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douleur d’avoir plusieurs enfans privés de l’ouïe en rendent témoignage. L’exemple du concert qui s’établit entre les individus n’ayant pas l’usage de la parole reporte nécessairement la pensée aux actes de la vie de certains animaux. Les mammifères ont une voix susceptible d’inflexions et d’intonations plus ou moins variées suivant les espèces ; ils en usent pour se communiquer des appétits, des volontés, pour se lancer des appels, des avertissemens. On répète souvent que les bêtes n’ont que des cris, c’est trop généraliser. Le chat dit miao, articulation très nette d’une consonne labiale et de trois voyelles ; le mot est bien formé, on croirait qu’il appartient à la langue chinoise. L’animal le prononce d’une infinité de manières ayant chacune sa signification. Espère-t-il faire venir de la compagnie, il dénonce sa présence d’une voix forte, retentissante ; demande-t-il son repas, réclame-t-il l’ouverture de la porte afin d’aller en promenade, il prend une voix douce, traînante ; c’est bien l’accent de la prière. Que la réponse tarde, le ton s’élève et trahit l’impatience. Il y a ce miao lent et faible que l’on traduit en français : comme je m’ennuie ! encore ce miao caressant, plein de jolies modulations, où se révèle le désir de plaire. Le chat dit aussi très-clairement ronron, un vrai mot formé de trilles et de nasales ; la langue et le voile du palais exécutent les mouvements que nous connaissons par notre propre expérience. Ce ronron est tantôt un petit remercîment, tantôt la manifestation d’une grande joie. Mû par le sentiment d’inimitié contre un individu de sa race ou jaloux d’une rivalité, l’animal qu’on accuse d’avoir trop l’indépendance du cœur siffle et gronde sur divers modes au visage de l’adversaire, formulant ainsi des menaces et des imprécations. Dominé par l’amour, le matou tire du langage dont il dispose une surprenante richesse d’expressions ; tandis que la petite chatte miaule en vraie coquette, il enfle la voix, il module et traîne les sons ; le miao résonne comme une plainte douce, le ronron comme un frémissement de bonheur ou de passion ; mais il faudrait être chat soi-même pour tout interpréter.

Les mammifères capables d’articuler des syllabes ne sont pas nombreux ; les brebis font retentir invariablement ce monotone qui n’a rien d’agréable, tant il paraît dénoter la stupidité de l’animal. Il est intéressant néanmoins de constater cette explosion particulière de la voix ; elle a pour cause des lèvres saillantes et charnues. Des gibbons de l’île de Java, voulant effrayer, crient avec fureur : ra-ra ; pour les animaux en général, les sons gutturaux semblent plus faciles à émettre que tous les autres. Le chien, si bien doué sous le rapport de la mémoire, des sentiments affectueux, de l’intelligence, n’a que des cris ; il aboie. De courtes et