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lieutenant-commandant est encore nécessaire pour obtenir le grade de capitaine de frégate. En tout vingt-trois années à passer au service de l’état dans la marine avant d’arriver à cette position d’officier supérieur. Encore est-il rare que les grades précédens puissent être conférés aux officiers immédiatement après le temps de service exigé par la loi pour l’avancement, car les promotions dépendent des vacances. D’ailleurs point de passe-droits, puisque cet avancement n’est donné qu’à l’ancienneté. Il n’en résulte pas moins qu’un officier sorti de l’école navale ne peut s’élever à la position d’officier supérieur avant l’accomplissement de son neuvième lustre. Combien sont dans ce cas depuis la formation de la marine prussienne ?

Ceci revient à répéter que cette marine nouvelle-venue dans le monde a besoin de la consécration du temps. Avec le temps, bien qu’élevée en serre, elle aura peut-être un grand développement et une grande force ; mais il faut que Dieu lui prête vie. Cela dépendra beaucoup de la conduite des gouvernemens qui pourront se succéder à Berlin. En attendant, le corps actuel des officiers de vaisseau n’est ni assez nombreux ni assez familiarisé avec les devoirs d’un commandement à la mer pour seconder dès ce moment l’impatience qui préside à sa croissance.

Les examens dont nous venons de résumer le programme, et qui promettent de bons officiers, sont pourtant envisagés comme une cause d’infériorité. On les regarde généralement comme excluant de la carrière tous les marins pauvres. Le temps qu’il y faut consacrer décourage, dit-on, la population maritime. Les « distinctions honorifiques » et « les emplois civils » ne valent pas à ses yeux la perspective de remplir un jour les conditions nécessaires pour devenir officiers. Les marins du commerce étant tenus de présenter certaines garanties d’études académiques pour être admis à exercer un commandement dans la marine marchande, cette carrière est aujourd’hui moins recherchée, même par les populations de la Baltique. Dans la flotte du nord, Brème se distingue entre les autres ports, les désertions y sont très nombreuses. L’émigration subreptice des matelots y atteint des proportions très considérables. On l’attribue généralement au voisinage de la flotte militaire de Wilhelmshafen. Les jeunes gens s’expatrient avant l’âge de servir. Les matelots se laissent embaucher en Amérique et contractent des engagemens à bord de navires étrangers frétés pour l’Angleterre. Ils reviennent aux États-Unis par des navires anglais ou américains ; puis ils cinglent de nouveau vers les ports de la Grande-Bretagne, et ils continuent ainsi la navette jusqu’au jour ou l’âge, les infirmités, la fatigue, les fixent définitivement à terre. À ce métier, les matelots n’amassent pas de pécule. Ils sont exploités par les embaucheurs et par les aubergistes, et lors même qu’ils pourraient