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l’empire. Les exactions sont considérables, elles se produisent à tous les degrés de la hiérarchie, l’absence de contrôle les rend toujours possibles. La destitution d’un pacha amène de temps en temps des découvertes qui feraient scandale ailleurs, auxquelles on est habitué ici, et qui ne dictent point à l’autorité centrale des décisions vigoureuses. C’est le soldat qui naturellement souffre le plus de cet état de choses ; cependant il est résigné, solide et inébranlable sous le feu. On lui reproche de ne pas se prêter à une offensive courageuse en bataillon serré et de ne pas être propre à l’enlèvement d’une position retranchée ; mais, dans un pareil cas, l’influence morale de l’officier, son entrain personnel et son exemple agissent beaucoup sur les troupes : privé de l’initiative de son chef, le soldat musulman ne saurait donc se prêter à un mouvement offensif qui n’est pas dans ses allures. Il est incontestable que, parmi les chefs, les hommes énergiques, résolus et instruits, sont rares ; ceux-là seuls qui sortent des rangs de l’armée et qui ont gagné un à un leurs grades inspirent de la confiance aux soldats, et ils la méritent, Il n’est pas rare de trouver des généraux qui, sans avoir reçu aucun principe de l’éducation militaire, ne reculent cependant pas devant de grandes responsabilités en temps de guerre et compromettent ainsi les troupes qu’ils envoient au feu. Il y a des exceptions dans la garde, qui contient l’élite de l’armée, et où la plupart de ceux qui commandent ont été à l’école des armées européennes ou sont choisis parmi les meilleurs officiers, ceux qui ont pris part aux guerres du Danube de 1852, à celle de 1854, et ont acquis là une véritable expérience militaire, Le corps de la garde, en résidence à Constantinople et dans les environs, a pu d’ailleurs, par sa prestance, sa tenue dans le rang et sa précision relative dans la manœuvre, créer une certaine illusion sur l’ensemble de l’armée.

Les forces régulières turques comprennent sept corps d’armée, le premier occupe Constantinople et les environs, le second la Bulgarie et la province du Danube avec son quartier-général à Chumla, le troisième réside en Roumélie. C’est ce dernier qui a soutenu le premier choc de l’insurrection, mais plus tard la garde a été engagée. Le quatrième corps est celui de l’Anatolie, le cinquième celui de Syrie, le sixième celui d’Yrak, et le septième occupe l’Yémen. Ces trois derniers corps sont composés d’Asiatiques et d’Africains, et la plupart des soldats sont nègres.

Le chiffre du pied de guerre des réguliers est de 150,000 hommes ; la réserve, si l’on possédait assez d’armes et d’habillemens pour l’équiper, pourrait donner près de 200,000 hommes ; mais il faut distraire des chefs de l’armée régulière pour commander les rédifs, et tous les officiers qui commandent leurs camps sont venus de Constantinople même. Cette circonstance exigerait des cadres très