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des tracasseries qu’on leur avait suscitées, résolus à donner une leçon aux évêques et aux curés qui s’avisent d’ajouter aux soins de leur ministère celui de gouverner le suffrage universel et qui enseignent à leurs ouailles que, « voter pour la république, c’est voter pour le diable. » Parmi ces nouveaux députés, il est beaucoup d’hommes nouveaux, et c’est l’ordinaire que les hommes nouveaux, n’ayant pas la pratique des affaires, les croient plus simples, plus faciles à manier qu’elles ne le sont. Ils n’ont pas encore perdu leur candeur, ils s’imaginent qu’avec un peu de bonne volonté on résout tous les problèmes, qu’il suffit d’avoir raison et d’aller droit devant soi. Ils ne se doutent pas que les bonnes intentions sont quelquefois arrêtées par un mur ou qu’elles restent prises dans les broussailles ; il faut du temps pour apprendre à se défier des murs et des buissons. « Venez à mon secours, mon cher Atticus, écrivait un jour Cicéron, et dites-moi si, selon le mot de Pindare, je dois suivre le chemin raide de la justice ou si je ferai mieux de prendre des détours. — Prenez des détours, » lui répondait son ami, et le grand Frédéric était de l’avis d’Atticus, lorsqu’il disait : « Les dissensions polonaises et les négociations avec l’église sont à peu près de la même espèce ; il faut vivre longtemps et avoir une patience angélique pour en voir la fin. »

Que la chambre des députés ait ordonné une enquête sur l’élection de M. de Mun, on ne saurait y trouver à redire. Le candidat officiel du clergé dans l’arrondissement de Pontivy ne peut s’en prendre qu’à lui, il s’est appliqué à provoquer cette mesure par les déclarations qu’il a faites à la tribune, par les intempérances préméditées de son langage. Les naïfs ont remarqué que les doctrines dont il a fait profession se trouvent en contradiction flagrante avec les lois organiques. Que sont les lois organiques pour M. de Mun ? Son principe est que « l’église a le droit de faire tout ce qu’elle juge qu’il est de son devoir de faire. » Selon lui, les seules lois qui obligent les consciences sont les décisions rendues à Rome, les décrets de celui qui tient les clés, de celui qui a reçu du ciel le pouvoir de lier et de délier. Ce qu’il faut espérer, c’est que la commission nommée pour procéder à une enquête sur l’élection de Pontivy se renfermera scrupuleusement dans son mandat. Elle a eu, comme on sait, avec M. le garde des sceaux un entretien dans lequel elle a fait paraître des curiosités indiscrètes. Elle a eu la fâcheuse idée de lui demander si les doctrines gallicanes et la déclaration du clergé de France de 1682 sont vraiment enseignées dans les séminaires comme le veut la loi, et dans le cas où il en serait autrement, si le gouverne, ment n’aviserait pas. M. le garde des sceaux a promis qu’il s’en informerait. Nous souhaitons pour notre part qu’il oublie sa promesse, et que la commission s’abstienne de lui en rafraîchir la mémoire.

Selon toute apparence, les doctrines gallicanes et la déclaration de