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proposition a été peut-être fort innocemment le prélude d’un incident qui n’est pas sans importance, d’un changement assez sérieux dans la représentation italienne à Paris.

Elle a vraisemblablement peu de chances de succès, cette motion de M. Tirard, parce que rien ne la motive ni ne la justifie. À la vérité, il y a un groupe de radicaux qui, avec la fureur de tout changer, a proposé d’un autre côté de biffer d’un trait de plume le budget des cultes, d’accomplir ainsi sans façon la séparation de l’église et de l’état. Il est certain que dans ce système radical un représentant officiel de la France auprès du chef de l’église catholique serait assez inutile ; mais on n’en est pas là, et ce n’est pas probablement de sitôt qu’on y arrivera. L’organisation ecclésiastique du pays est réglée par un concordat, par toute une législation qui implique un contact incessant, permanent des deux pouvoirs, et tant qu’il en est ainsi, la représentation diplomatique n’est pas seulement une nécessité, elle est une garantie ; elle est de plus un gage de paix, une satisfaction pour les catholiques français, qui ne peuvent rester indifférées aux rapports de leur pays avec le chef suprême de l’église. Quelle raison sérieuse y a-t-il aujourd’hui d’adopter une mesure qui ressemblerait à une révolution, qui serait peut-être le signal d’un trouble religieux, d’une émotion profonde des consciences ? Est-il survenu quelque circonstance récente qui puisse être invoquée même comme un prétexte ? Y a-t-il eu de la part du pape un de ces actes, une de ces démonstrations dont on peut se faire une apparence de grief ? Le pape n’a rien fait, n’a rien dit, et dans la situation que les événemens lui ont créée, ce serait le procédé le plus gratuitement blessant de lui retirer une représentation française qui ne lui a jamais manqué. La république débuterait par une sorte de déclaration de guerre à une croyance puissante dans le pays.

Est-ce pour faire sa cour à l’Italie qu’on propose de supprimer l’ambassade auprès du Vatican ? C’est l’Italie qui a créé les conditions actuelles. Par la loi des garanties, dont elle s’est fait un titre auprès de tous les états étrangers, elle a reconnu la souveraineté pontificale, en lui assurant les prérogatives royales, le droit d’envoyer et de recevoir des ambassadeurs. L’Italie n’a jamais songé jusqu’ici à s’étonner de l’existence d’une représentation diplomatique qu’elle a prévue, qu’elle a sanctionnée, et nous ne supposons pas qu’on ait eu cette idée de la suppression de l’ambassade française auprès du Vatican pour fêter la naissance d’un ministère de la gauche à Rome. Ce qu’il y a de plus singulier, c’est que, pour diminuer notre représentation à la cour pontificale, on choisirait le moment où l’état est plus que jamais intéressé à garder toute son autorité, tous ses moyens d’action pour maintenir les prérogatives, les droits de la société civile, du pouvoir civil, en évitant autant que possible des conflits toujours dangereux. Qu’arriverait-il ? laisserait-on un agent laïque subalterne ? Il ne serait pas seulement dans