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depuis un demi-siècle, elle s’est développée parallèlement au mouvement historique. Des traités généraux, des monographies détaillées nous ont fait connaître les constructions civiles, religieuses et militaires, les peintures murales, les verrières, les tapisseries, les bijoux, les meubles, les émaux, les armes et jusqu’aux ustensiles les plus vulgaires. Le cadre des études a toujours été en s’élargissant. Momentanément interrompus par la guerre, les travaux ont repris dans ces deux dernières années avec une activité nouvelle. D’immenses matériaux ont été réunis, et l’heure est venue de résumer les connaissances acquises au prix de tant d’efforts. Deux érudits qui ont rendu les meilleurs services à l’étude de nos antiquités nationales, M. Jules Quicherat, directeur de l’École des chartes et M. Viollet-Le-Duc, ’ont fait paraître récemment, l’un sur le costume, l’autre sur l’ameublement, des livres qui se recommandent aux hommes spéciaux par l’étendue et la solidité du travail, à la curiosité du public par les gravures qui accompagnent le texte, et qui forment dans leur ensemble un véritable album du moyen âge.

M. Quicherat, en traitant l’Histoire du Costume, est remonté aux temps primitifs ; il a suivi, avec une sûreté d’érudition qui est chez lui une qualité maîtresse, les transformations sans nombre que les vêtemens ont subies, depuis le temps où les sujets de Sésostris, quinze cents ans avant Jésus-Christ, symbolisaient dans leurs peintures les nations de l’Europe occidentale par un personnage à la peau blanche et aux yeux bleus, type de la race celtique primitive, auquel ils donnaient le nom de Tambou, jusqu’au moment où le pantalon révolutionnaire est venu détrôner l’aristocratique culotte de soie. Les plus humbles comme les plus grands, les clercs et les évêques, les serfs de corps et les bourgeois affranchis, les gentilshommes et les châtelaines, les rois dans l’attirail de leur puissance, passent tour à tour sous les yeux du lecteur, tantôt décrits dans un texte simple et clair, tantôt représentés par des figures qui sont l’exacte photographie des manuscrits à miniatures, des tableaux, des effigies sculpturales, des livres à images du XVIe siècle et des livres à gravures du XVIIIe. M. Viollet-Le-Duc, dans le Dictionnaire de l’Ameublement, a décrit pièce par pièce depuis l’époque carlovingienne le mobilier des églises, des palais, des châteaux, des maisons bourgeoises, des ateliers et des chaumières. C’est une sorte d’inventaire après décès, où les moindres recoins ont été fouillés. Malheureusement l’auteur n’a point évité l’écueil où viennent se heurter la plupart des archéologues ; à force de remuer des débris, il est arrivé à l’idolâtrie des reliques et s’est égaré parfois dans des détails minutieux à l’excès. Il est à regretter aussi qu’il ait donné à son livre la forme alphabétique, ce qui ne permet pas d’embrasser dans une vue d’ensemble le mouvement des arts et de