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l’expédition d’Alexandre, comme la Chine l’a été de notre temps par les armes de la France et de l’Angleterre. Athènes et Corinthe entretenaient de nombreuses flottes ; leurs navires allaient prendre sur les côtes méridionales de la Mer-Noire les produits qui arrivaient de l’Inde par la voie de terre, et sur la côte méditerranéenne de l’Égypte ceux qui arrivaient par la Mer-Rouge. Après la chute de l’empire romain, les centres commerciaux se déplacèrent ; la suprématie passa d’une part aux villes de la côte orientale d’Italie, de l’autre à Marseille, qui l’a conservée jusqu’à nos jours, mais qui se voit aujourd’hui menacée par Trieste, car le percement de l’isthme de Suez replace le transit du commerce de l’Orient dans les mêmes conditions qu’aux temps antérieurs à l’expédition de Vasco de Gaina, et nul ne peut prévoir quelles seront, pour nos villes maritimes du midi, les conséquences de cette grande entreprise.


II

La Gaule était entièrement latinisée et christianisée lorsque, dans la nuit du 31 décembre 406, les peuplades germaniques franchirent en masse-le Rhin sur la glace, comme pour justifier ces paroles, que le général romain Cérialis adressait aux Trévires et aux Lingons : « Les mêmes causes, la cupidité, l’avarice, le besoin de changer de lieux, entraîneront toujours les Germains vers la Gaule. Ils quitteront leurs marais et leurs solitudes pour s’emparer de ce sol fertile et de ses habitans. » Parmi les tribus envahissantes, trois seulement se sont établies à poste fixe : les Burgondes en 406, les Wisigoths en 412, les Francs en 480. Dans les premiers temps, ces tribus conservèrent leur costume et leurs habitudes nationales ; les Burgondes se pommadaient avec du beurre rance, les Wisigoths marchaient ceints d’une épée, couverts d’habits de peau ou de toile, suivant la saison, et chaussés de bottes en cuir de cheval ; ils étaient, paraît-il, très soigneux de leur toilette, car quiconque déchirait ou tachait l’habit d’autrui était tenu de donner un habit neuf ou d’en acquitter le prix. Les Francs portaient un justaucorps serré à manches très courtes, par-dessus le justaucorps un petit manteau vert avec des bordures écarlates, un baudrier qui soutenait leur épée, un large ceinturon décoré de bossettes en métal, et des brodequins lacés en peau garnie de son poil. Leurs jambes étaient nues, leur visage rasé, sauf un étroit cordon de favoris, leurs cheveux coupés derrière la tête, de pleine venue sur la partie antérieure et relevés de manière à former un haut toupet. Les femmes avaient à peu près la même tunique que les hommes, les bras nus et le haut de la poitrine découvert, ce qui explique certaines dispositions des lois salique et ripuaire d’après lesquelles