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ne fut chez elle qu’une importation étrangère. Sous Charles VIII et Louis XII, on s’était inspiré de l’Italie ; sous les derniers Valois on s’inspira de l’Espagne, et, comme toujours, la cour et les maîtresses royales donnèrent le ton.

Ruinée par des dépenses que le travail et l’épargne ne compensaient pas, la noblesse déserta les châteaux, et sous François Ier elle se rapprocha des rois pour chercher dans leurs faveurs le moyen de réparer les désastres de sa fortune et de sa puissance. Toutes les cupidités et toutes les corruptions refluèrent vers la cour. Le vainqueur de Marignan y attira les femmes, car une cour sans femmes, ainsi qu’il le disait galamment, est une année sans printemps, un printemps sans roses. Les courtisans se ruinèrent pour leur plaire ; ils portèrent « leurs terres et leurs bois sur leurs épaules, » et, quand on n’avait pas trente habits, pour en changer à chaque jour du mois, on passait dans la noblesse pour un homme de rien. On ne voyait dans les hautes classes que « bottines d’escarlate bien tirées, » pourpoints de velours, de taffetas, de drap d’or et d’argent, avec aiguillettes garnies d’ornemens en or émaillé, habits « tailladés à mille balafres, » manches à bouillons de couleurs diverses. Le poignard, qui faisait partie de toutes les toilettes civiles, fut remplacé par la rapière. Le corset, les paniers et les crinolines firent leur première apparition dans les basquines et les vertugales. Les femmes des cordouaniers tranchaient de la duchesse, et les élégans à bourse plate s’efforçaient, à l’aide d’une foule de supercheries dont le secret ne s’est pas perdu, de se mettre au niveau des gens riches. Pour cacher leur chemise « faite en toile de sac à moulin, » ils laissaient passer à la fente de leur pourpoint un bout de mouchoir en toile de Flandre, et se couvraient de bijoux en cuivre doré dont ils exagéraient les proportions par cela seul qu’ils étaient faux. Le public riait de ce luxe de contrebande, et ces dandys apocryphes furent baptisés des noms de fringans et de freluquets, qui sont restés dans notre langue.

En 1521, on portait encore, comme dans le siècle précédent, les cheveux longs par derrière et taillés courts sur le front ; mais à cette date la mode changea par suite d’un accident arrivé à François Ier. Ce prince fut blessé à la tête en jouant avec l’un de ses courtisans. Il fallut le tondre pour panser sa blessure. Les grands seigneurs, en loyaux et fidèles sujets, se firent tondre comme lui, et la révolution des cheveux courts se propagea sans opposition dans tout le royaume ; il n’en fut pas de même pour la barbe. Quelques membres du clergé voulaient la porter longue, le plus grand nombre la repoussait comme contraire aux règles canoniques. L’église, pour cette grave question, se vit menacée d’un schisme, et il ne fallut rien moins que l’intervention du roi pour faire admettre