Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/337

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L'EMPIRE DES TSARS
ET LES RUSSES

II.
LES CLASSES SOCIALES

II.
LA NOBLESSE ET LE TCHINE[1]

La rareté des villes, le manque d’industrie et de grand commerce, l’absence de professions libérales, ont en Russie retardé jusqu’à nos jours la formation d’une classe moyenne. Ni par le nombre, ni par l’éducation, la bourgeoisie n’a la même importance que dans l’occident de l’Europe. De même qu’au temps de Pierre le Grand, il reste encore en présence et comme face à face, sans intermédiaire pour les unir ou les séparer, deux classes que dans leur opposition même il est difficile d’isoler l’une et l’autre : la noblesse et les paysans, l’ancien seigneur et l’ancien serf. En ces deux classes, en ces deux hommes se personnifient encore aujourd’hui deux Russies : dans la première, la Russie moderne, la Russie européenne de Pierre et des empereurs réformateurs ; dans la seconde, la Russie moscovite, la Russie à demi asiatique ou à demi orientale des vieux tsars. Entre le noble et le paysan, le servage était, jusqu’au règne d’Alexandre II, une chaîne matérielle, il n’a jamais été un lien moral. Cette chaîne séculaire une fois rompue, l’ancien seigneur et l’ancien serf se sont retrouvés presque aussi rapprochés par la terre et les besoins de la vie rurale, presque aussi séparés par l’esprit, par les tendances et les mœurs. C’est qu’entre l’esclave et le maître

  1. Voyez la Revue du 1er avril.