Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/389

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et éloquent, philosophe et chrétien, il conciliait en lui-même ces deux puissances souvent ennemies, la raison et la foi.

On dira peu de chose ici du système de Fichte, parce qu’il n’était point applicable et ne fut pas appliqué. Moins préoccupé de l’éducation du commun des mortels que de celle « des serviteurs de l’idée,  » Fichte, dans un langage à la fois géométrique et sacerdotal, à la manière des réformateurs antiques, disciples de Pythagore et constructeurs de cités idéales, traça le plan d’un monastère universitaire, dont les moines seraient les candidats au professorat, séparés du reste du monde, nourris, logés et entretenus par l’état, portant un uniforme d’honneur et soumis à une règle comme des religieux ; car Fichte était l’homme de la discipline et du devoir, et c’est par le renoncement de l’individu à sa liberté personnelle qu’il prétendait le conduire à la « liberté supérieure de l’âme ! » Tout autre était le projet de Schleiermacher, qui, en quelques pages où la pensée reste claire en étant profonde, exposa les vrais principes de l’enseignement supérieur « L’école, l’académie, l’université, dit-il, ont chacune leur mission. A l’école, l’esprit est dégrossi par une gymnastique intellectuelle ; à l’université, on éveille chez l’étudiant l’esprit scientifique en lui montrant le lien qui unit toutes les parties du savoir ; à l’académie se fait l’exposition de la science. » Les étudians sont divisés en deux classes, ceux qui se vouent à la science pure et ceux qui se destinent à quelque profession. Pour les uns et pour les autres, l’enseignement de la philosophie est une initiation nécessaire ; mais il ne s’agit point ici de pure spéculation : Schleiermacher veut que la philosophie prouve la réalité du savoir, détruise le prétendu antagonisme entre la raison et l’expérience, ouvre des perspectives à l’intelligence sur les immenses domaines de la nature et de l’histoire. La philosophie au reste ne doit pas absorber en elle tout l’enseignement. Les facultés ont leur raison d’être et subsisteront, à la condition qu’elles ne dégénèrent pas en écoles spéciales, et qu’elles consentent à n’être que les parties d’un tout. Comme Fichte, Schleiermacher pense qu’il faut au maître un « séminaire » d’élèves réguliers, car, dit-il, « l’enseignement est la communication de l’intime,  » c’est « une dialectique continue contre l’ignorance,  » qui ne saurait s’exercer devant des auditeurs de passage ? mais toute contrainte sera bannie de l’université, où il ne sera pas fait de cours obligatoires. Les étudians seront attirés et retenus au pied des chaires par la force et par le mérite de l’enseignement, sans le secours d’un mécanisme réglementaire ; ne faut-il pas que leur caractère se forme et qu’on commence par avoir confiance dans leur raison, qu’il s’agit de développer ? Les maîtres devront être aussi libres que les élèves ; ils nommeront les