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avenir ; mais avec quelle lenteur on y a marché depuis ! De temps à autre un ministre répète les doléances qu’il a trouvées dans la statistique de 1867 ; il reparle des réformes qu’on y a proposées, et tout finit par des discours.

C’est une grave erreur de croire que la liberté de l’enseignement supérieur sera la source de grands progrès. Voilà vingt-six ans que la France a été dotée de la liberté de l’enseignement secondaire : quel progrès en est résulté ? « Une chose, dit M. de Laprade au début de son livre sur l’Éducation homicide, nous a toujours émerveillé dans la polémique sur l’enseignement : depuis plus de trente ans qu’elle s’agite avec passion, comme entre des gens qui auraient des idées très diverses, l’uniformité la plus absolue n’a pas cessé de régner dans l’éducation, pas une vraie réforme n’a été introduite ! » En effet, quand les religieux ont recouvré par la loi de 1850 la liberté d’enseigner, ils ont trouvé l’Université en possession de leurs méthodes et de leur pédagogie, dont elle avait pris la contagion dans les murs des couvens transformés en collèges. Ils ont repris leur bien ; professeurs d’état et professeurs libres se sont mis à marcher dans la même voie, côte à côte et de la même allure : le public n’a rien à gagner à cette inféconde rivalité. Aujourd’hui les évêques fondent des facultés rivales de celles de l’état, mais organisées comme elles, avec un personnel de tous points inférieur. De part et d’autre, on suivra les mêmes programmes pour préparer les étudians aux mêmes grades. Si le fatal article de la loi récente sur l’enseignement supérieur qui a créé les jurys mixtes n’est point rapporté, les grades mêmes perdront leur valeur, et la libre concurrence, en dépit de toutes les apparences contraires, aura pour effet d’abaisser les études !

Il ne suffit donc pas de légiférer pour relever notre enseignement supérieur, il faut réformer. Une réforme nous est promise ; la loi de 1875 oblige, par une disposition inscrite à l’article 240, le ministre de l’instruction publique à présenter dans le délai d’une année un projet de loi sur la réorganisation des facultés de l’état : n’est-ce pas le moment d’aller redemander à l’étranger nos vieilles traditions qu’il a reprises, et de tourner nos regards vers ces universités allemandes, filles de la glorieuse école de Paris ? Il y a quelques jours, M. Waddington, dans un discours adressé aux sociétés savantes des départemens, a parlé de constituer de « puissantes universités avec les facultés éparses. » C’est là qu’est tout le problème ; mais il est difficile et ne peut se résoudre en quelques journées. Pourtant il semble que la solution soit mieux préparée aujourd’hui qu’elle ne l’a jamais été. Les saines notions sur l’enseignement supérieur ont pénétré les esprits. Des études ont été