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une bourgade, une maison de campagne, dont les murs ne recèlent des pierres sculptées provenant de constructions plus anciennes. Les Espagnols, qui y vinrent les premiers, n’y firent pas attention ; s’en fussent-ils souciés davantage, l’Anahuac leur avait offert déjà le spectacle de tant de merveilles qu’ils ne s’étonnaient plus de rien. Ici les habitans primitifs construisaient avec la pierre, le mortier et le bois. La voûte était inconnue ; on y suppléait par des arceaux semblables à ceux des monumens cyclopéens de l’Europe, formés de pierres horizontales en saillie les unes sur les autres ; les murs étaient recouverts d’enduits ornés de peintures. Le plus étrange est que les bois employés dans ces édifices, par exemple pour les linteaux de porte, ont survécu aux ravages du temps. Cela prouve-t-il que le climat est salubre, que le bois est de bonne qualité, ou bien que les monumens sont en réalité beaucoup plus modernes qu’on le voudrait faire entendre ? On peut poser ces questions, mais non les résoudre. L’aspect général des constructions, quoiqu’un peu lourd, n’est pas sans grâce. Les règles de l’art et de la solidité y sont observées, ce qui en explique la longue durée. Les sculptures qui les décorent ne manquent point de mérite. On a fait la remarque que la figure humaine y est représentée en de justes proportions, soit en statues de pierre, soit en relief sur les poteries. En somme, ces œuvres sont l’expression d’une civilisation avancée. Les Mayas, auxquels on en attribue le mérite, furent sans contredit des gens instruits, délicats. On hésite avec raison à voir leurs descendans dans les habitans du pays, qui Vivent indolemment à côté de ces ruines magnifiques.

Palenqué, dans l’isthme de Tehuantepec, est encore une ville antique oubliée au milieu des forêts, dans l’un des sites les plus délicieux du littoral. En 1746, deux siècles après que les Espagnols s’étaient établis dans la province, un missionnaire découvrit ces ruines par hasard ; elles ont été souvent visitées depuis, elles ne l’ont pas encore été avec le soin qu’elles méritent. Ce que l’on retrouve à Palenqué, de même qu’à Copan, à Uxmal et en cinquante autres endroits, ce sont des pyramides colossales surmontées de constructions grandioses que l’on peut prendre pour des temples. Les arbres qui poussent au milieu des pierres avec une vigueur tropicale n’ont pas permis de faire une exploration complète. Des voyageurs modernes ont pu cependant en rapporter de nombreux dessins. Des bas-reliefs en stuc, assez bien conservés, méritent surtout d’attirer l’attention ; ils représentent des hiéroglyphes, des personnages en diverses attitudes avec une singulière variété d’habillement et d’accessoires, bien que la tête humaine se présente toujours de profil avec un front déprimé, qui était, faut-il croire, une marque de beauté ou de distinction pour les artistes de cette époque.