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imparfaite. Dans la Californie et l’Orégon, deux provinces que les hommes de race blanche ont colonisées avec une rapidité prodigieuse, il n’y a pas de ruines que l’on puisse rapporter à des peuples plus avancés que ceux qui l’habitaient seuls il y a trente ans. Des mortiers de pierre, des travaux de mine, des murs en pierre brute, des inscriptions informes gravées sur le roc, voilà tout. Plus loin encore, dans le nord-ouest, apparaissent des amas de terre ou de pierres qui semblent être des sépultures. Au delà, dans l’Alaska, il n’y a plus rien. Les tribus qui y vécurent jadis n’ont laissé nul témoignage de leur existence ; celles d’à-présent n’en laisseront pas davantage.

Il n’en est plus de même dans la partie orientale du continent. Partout, du lac Érié au golfe du Mexique, et surtout dans les vallées du Mississipi et de l’Ohio, se montrent des tertres, de forme et de dimensions variées, les uns coniques, d’autres en pyramides, quelques-uns représentant en plan l’image des animaux ou de l’homme comme des bas-reliefs gigantesques modelés sur le terrain. Il y en a des milliers dans les états du centre de l’Union américaine ; au nord, ils sont rares, au Canada, il n’y en a presque pas. Il a donc existé jadis dans cette région un peuple dont l’industrie se manifestait par des constructions de ce genre. Il vaut la peine d’examiner avec détails ce que furent ces monumens, comment ils sont distribués, à quel usage ils furent destinés.

Dans le bassin du Mississipi, les vallées offrent trois ou quatre terrasses successives produites par l’érosion des eaux. Les ouvrages en terre dont il est question se voient sur les terrasses les plus élevées, jamais sur le niveau inférieur de la vallée, d’où l’on pourrait conclure peut-être qu’ils datent d’une époque à laquelle ce niveau était moins bas qu’aujourd’hui. Le site que préféraient les hommes de ces temps reculés était le confluent de deux rivières. Les matériaux employés sont ce que fournit sur place le sol naturel, c’est-à-dire de la terre, des fragmens de rocher ; il n’y a pas trace de pierres taillées ou superposées avec art, ni de briques cuites au soleil, comme on en voit beaucoup dans les provinces méridionales. Le plus souvent, un fossé creusé au long du remblai en a fourni la substance. Si le lieu choisi est un mamelon, le tertre en couronne le sommet, en suit les contours, avec des brèches en guise de portes aux endroits les plus accessibles. Dans ce cas, il est peu contestable que le tertre est une fortification. Bien plus, on observe que le chemin qui conduit à la rivière voisine est protégé de part et d’autre par un rempart. Ailleurs les remblais affectent une forme géométrique tout à fait correcte ; ce sont des cercles ou des carrés aussi réguliers que s’ils avaient été piquetés par un ingénieur moderne. La superficie enclose est toujours considérable ; elle mesure plusieurs