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s’opéraient jamais que par terre, ou du moins elles ne franchissaient » que des bras de mer d’une faible étendue. Les Esquimaux eux-mêmes en sont un exemple. Ce peuple curieux qui occupe toutes les terres arctiques, depuis le Kamtschatka jusqu’au Groenland, en passant par l’Alaska, la baie d’Hudson et le Labrador, se montre partout avec les mêmes coutumes, avec une langue uniforme, avec les mêmes caractères physiques. Il n’est pas nécessaire d’aller plus loin pour constater que l’Asie a fourni des habitans à l’Amérique. Seulement les Esquimaux se confinent dans la région polaire : ils y vivent à l’état sauvage. Entre eux et les Indiens Peaux-Rouges, surtout entre eux et les peuplades civilisées de l’Anahuac, il y a des différences que le climat n’explique point ; ou mieux encore, il n’y a nulle analogie que l’archéologue, le linguiste, l’ethnologue puisse apercevoir.

Ainsi, de quelque côté que l’on se tourne, il est impossible d’assigner une origine vraisemblable à la civilisation de l’Amérique centrale. Il n’y a autour d’elle que des déserts ou des océans. Son passé est obscur, puisqu’elle n’a pas laissé d’histoire authentique. Est-elle exotique ou indigène ? Nul ne le saurait dire. La tradition rapporte que des hommes blancs, barbus, sont arrivés à diverses époques ; ces instructeurs providentiels, Votan ou Quetzalcoatl, venaient de l’Orient. Il n’y a peut-être au fond de cette croyance populaire que le souvenir d’un naufrage. Un navire européen aura été jeté à la côte, entraîné par la tempête en dehors des voies habituelles du commerce. Les indigènes auront recueilli quelque jour sur le rivage de l’Atlantique des Européens vigoureux, bien vêtus, à demi-noyés peut-être, qu’ils auront accueillis comme des êtres envoyés du ciel. Il ne serait pas extraordinaire que quelques-uns de ces marins, échappés à la mort, se fussent fixés dans le pays, où ils seraient devenus de grands personnages, presque des apôtres. Ainsi naissent les légendes qui se propagent ensuite à la faveur de la crédulité publique.

Sous quelque face qu’on l’envisage, le problème des antiquités américaines se présente avec une égale obscurité. Ne le dissimulons pas ; cela tient en partie à l’incompétence des hommes qui s’en sont occupés. Comment l’origine des peuples indo-européens s’est-elle si bien éclaircie depuis un demi-siècle ? Des savans de tous pays, français, allemands, anglais, ont parcouru l’Inde et la Perse, ils ont étudié les langues indigènes, interprété les livres sacrés de ces contrées lointaines ; les renseignemens qu’ils avaient recueillis ont été discutés, les conjectures aventureuses ont fait place peu à peu à des théories plus sages. Les érudits ont su de même restituer d’après des monumens écrits l’histoire perdue de l’Égypte