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LA CONSTITUTION DU SOLEIL.

usage d’instrumens puissans, on ne savait rendre la chaleur et la lumière supportables, même pour un œil protégé par un verre bleu, qu’en réduisant notablement l’ouverture de l’objectif par un diaphragme ou écran circulaire, qui faisait perdre une partie des avantages des grands instrumens et nuisait à la netteté de l’image. Dans une bonne lunette, l’image d’une étoile se réduit à un point lumineux ; mais, lorsqu’on a recours à un diaphragme, ce point devient un petit disque d’autant plus sensible que le diaphragme est plus étroit. Il en est de même dans le cas du soleil : chaque point étant dilaté, il en résulte une image plate et confuse où les détails sont comme noyés. On n’est parvenu à dégager ces détails que depuis qu’on s’est décidé à employer l’ouverture entière des grands instrumens ; mais il a fallu auparavant trouver des moyens plus efficaces que les verres de couleur pour atténuer la chaleur et l’aveuglante lumière du soleil.

William Herschel avait essayé de remplacer les verres colorés par des liquides, il avait employé entre autres un mélange d’eau et d’encre ; mais la chaleur y provoquait des mouvemens tumultueux qui troublaient la vision. Son fils, sir John, proposa d’observer le soleil avec un télescope à miroir de verre non étamé. Grâce au faible pouvoir réflecteur du verre, on devait ainsi obtenir une image beaucoup moins vive et susceptible d’être examinée à travers un verre bleu. Ce procédé a été récemment employé par M. Chacornac. À son tour, Léon Foucault a proposé d’argenter la surface antérieure de l’objectif d’une lunette ; ce dernier ne laisse plus dès lors passer qu’une très faible proportion des rayons incidens, et donne une image très douce et agréable à l’œil ; mais les astronomes se décident difficilement à sacrifier ainsi un objectif qui a coûté 20 000 ou 30 000 francs. Il est plus avantageux d’employer des oculaires spéciaux comme celui de sir John Herschel, qui ne laisse arriver à l’œil qu’une fraction de la lumière incidente réfléchie par un prisme de cristal, ou mieux encore un oculaire polariscopique. On dit qu’un rayon lumineux est polarisé lorsque toutes les vibrations se font dans un même plan. Quand on a obtenu ce résultat par un artifice quelconque (par exemple à l’aide d’une première réflexion), le rayon est en quelque sorte désarmé : il suffit maintenant de lui présenter un miroir sous un angle convenable pour l’affaiblir autant qu’on veut par une nouvelle réflexion. Les oculaires polarisans permettent donc d’éteindre la lumière et la chaleur de l’image solaire au degré voulu sans en altérer la couleur ni les détails.

Aussitôt qu’on appliqua ces oculaires à de puissantes lunettes, on découvrit que la surface lumineuse du soleil ou la photosphère,