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LA CONSTITUTION DU SOLEIL.

sont infiniment plus élevées, car déjà en vertu de la pesanteur solaire tous les corps sont trente fois plus lourds à la surface du soleil qu’à la surface de la terre. Il s’ensuit que la continuité du spectre solaire ne prouve rien contre l’opinion qui veut que la photosphère soit formée de gaz lumineux.

Le plus ancien des problèmes qu’a soulevés l’étude du soleil, le problème classique, c’est l’explication du phénomène des taches. Et d’abord les taches sont-elles des cavités ? C’était l’opinion de Wilson au siècle dernier, et elle reposait sur les effets de perspective que les taches présentent lorsque la rotation du soleil les amène près du bord. Lalande au contraire croyait que c’étaient les cimes des montagnes du soleil, des îlots qui de temps en temps perçaient la surface d’une mer ignée. D’autres y voyaient des scories qui surnageaient ou des nuages fuligineux flottant au-dessus de la surface lumineuse. William Herschel, observateur sans égal, adopta la théorie de Wilson ; malheureusement il la gâta par sa bizarre conception des deux enveloppes superposées : une enveloppe extérieure, lumineuse, doublée d’une enveloppe opaque qui elle-même cache un noyau solide et obscur. Lorsqu’une éruption gazeuse, partant de ce noyau obscur, vient à déchirer les deux enveloppes, nous voyons par la déchirure paraître le noyau noir et les bords de l’enveloppe inférieure comme une lisière grisâtre qui est la pénombre de la tache. Cette théorie a longtemps régné dans les livres d’enseignement. M. Kirchhoff a fait voir combien elle est contraire aux principes de la physique, pour ne pas dire au bon sens : un noyau qui demeure froid au sein d’une fournaise ! Il a suffi de signaler cette contradiction pour faire tomber toute la théorie. Mais il restait à décider si les taches sont des cavités ou des corps opaques suspendus au-dessus de la photosphère, car d’après M. Kirchhoff les effets de perspective peuvent aussi s’expliquer par des nuages étagés. M. Faye a fourni la preuve que ce sont des cavités : il l’a empruntée aux observations si précises de M. Carrington. Il a montré que le mouvement qui transporte les taches d’orient en occident ne devient parfaitement régulier que si l’on tient compte d’une correction due à la profondeur des taches. En regardant au stéréoscope deux photographies d’une tache, prises à un jour d’intervalle, on voit aussi très bien qu’elle forme un creux.

Une question toujours ouverte, c’est celle de l’enveloppe gazeuse qui s’étend au-delà de la photosphère. A-t-elle réellement l’énorme hauteur que lui attribuant quelques astronomes, et le père Secchi en particulier ? Une atmosphère doit se trahir par les effets de réfraction et d’absorption qu’elle exerce sur les rayons lumineux. À la vérité, la réfraction, d’après les mesures du père Secchi lui-même, est très peu sensible à la surface du soleil ; il n’en est pas de même des