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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mai 1876.

Les affaires du temps sont partout entremêlées. Chaque pays a son travail intérieur : l’Autriche négocie son nouveau compromis avec la Hongrie ; la Prusse poursuit l’unification des chemins de fer allemands ; la Russie est occupée, de ses réformes, de sa réorganisation. L’Angleterre en est aux dernières escarmouches parlementaires au sujet de ce titre impérial si péniblement conquis pour la reine ; la France cherche son équilibre politique dans ses institutions nouvelles, et pour tous il y a ce qu’on pourrait appeler l’affaire commune, cette éternelle question d’Orient, hérissée de difficultés croissantes, récemment aggravée par le meurtre des consuls européens à Salonique, évoquée une fois de plus aujourd’hui dans les réunions diplomatiques de Berlin. C’est l’histoire de l’Europe au moment où recommence pour nous cette session législative interrompue il y a un mois. Nos chambres sont en effet rentrées à Versailles. Elles reviennent sans doute avec l’intention de réparer le temps perdu, de se mettre décidément aux affaires sérieuses, et si elles le veulent, elles ont certes à s’occuper utilement, sans le jeter dans les conflits de partis ou dans les entreprises aventureuses. Elles se sont réunies il y a trois jours à peine, et. à vrai dire, pour son début, cette session nouvelle n’est point heureuse ; elle s’est trouvée dès les premières séances attristée, embarrassée par un de ces incidens qui confondent toutes les prévisions, par la mort soudaine de M. Le ministre de l’intérieur, de M. Ricard, frappé sur la brèche, en pleine action. Endormi un instant après le travail de la journée, il ne s’est réveillé que pour se sentir vaincu par un mal implacable, pour passer aussitôt au sommeil éternel sans avoir pu conduire jusqu’au bout l’œuvre dont il avait accepté l’honneur et la responsabilité.

C’est presque la mort du soldat pour un homme public. M. Ricard était jeune encore, il n’avait, pas cinquante ans. C’était un des plus brillans représentans de la génération politique à qui les grands et douloureux événement de 1870 ont ouvert la carrière. Élu député des