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et comment se conduisent-ils ? Que font-ils pour rassurer l’opinion, pour que la confiance s’attache par degrés à cette république dont ils désirent la durée, qu’ils veulent établir définitivement ? C’est là justement l’équivoque qui est au fond de la situation, qui n’est pas du moins encore suffisamment dissipée.

Le moment est peut-être décisif. Qu’on y prenne bien garde : il y a les républicains qui auraient bientôt mis la république en péril, et il y a ceux qui la laissent mettre en péril par une faiblesse secrète pour de vieilles idées, pour de vieux préjugés, pour des traditions étroites de parti. Les républicains ont deux procédés invariables dont on a chaque jour le spectacle sous les yeux. Ils se figurent sans cesse que la république ne peut vivre que par eux, par leurs amis ou leurs cliens, par des fonctionnaires de parti. Qu’il s’agisse de l’administration intérieure, ils assiègent le gouvernement de leurs exigences et de leurs récriminations. Préfets, sous-préfets ou magistrats sont mis en suspicion non-seulement dans leurs actions, mais dans leurs pensées les plus secrètes, et au moindre incident, qui peut n’avoir aucun rapport avec la politique, on s’écrie : Ce sont des magistrats de l’empire ! pourquoi ne pas changer la magistrature ? — Qu’il s’agisse de la représentation extérieure de la France, il faut absolument tout renouveler ; il faut envoyer dans les cours étrangères, auprès du pape comme auprès des empereurs d’Allemagne ou d’Autriche, des ambassadeurs, des ministres républicains. Et ceux qui parlent ainsi à M. le duc Decazes, comme ils parlaient au regrettable M. Ricard, comme ils parlent encore à M. Dufaure, ne voient pas qu’ils demandent naïvement pour eux ce qu’ils ont reproché à d’autres de faire à leur profit ; ils ne s’aperçoivent pas qu’en proposant de mettre l’administration, la diplomatie, la magistrature à la merci des mobilités de partis, ils discréditent toutes les fonctions, ils excluent la capacité sérieuse ; ils compromettent le service du pays sans relever assurément l’autorité du régime, qui ne se manifesterait que par l’inexpérience de fonctionnaires improvisés.

Les républicains ont un autre malheur ou une autre manie. Ils ne veulent pas seulement changer les hommes, le personnel, ils veulent tout réformer, lois, institutions, traditions. Il y a deux mois à peine que les nouvelles chambres sont réunies, et déjà il y a au moins vingt propositions qui bouleverseraient tout. Supposez un instant que toutes ces motions fussent autre chose qu’une fantaisie : nous aurions non-seulement l’amnistie en faveur des insurgés de la commune, mais la suppression du budget des cultes, la séparation de l’église et de l’état, l’abrogation de toutes les lois sur la presse, sur les réunions, sur les associations, la révision de toutes les lois municipales, la transformation du système financier, etc. Nous aurions tout cela et bien d’autres choses encore, car enfin il faut bien que tout soit à la mode républicaine, il faut bien que l’esprit républicain pénètre partout et se manifeste