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amenés l’un en Asie, l’autre en Afrique, et quelle influence ont elle le climat, le genre de vie et les milieux sur la production de telle ou telle variation. En un mot, on tâchera de connaître l’espèce avec ses variétés, ses variations et ses rapports avec les espèces voisines.

Ce qui serait déjà difficile pour une espèce relativement si peu nombreuse en variétés et en individus devient d’une extrême difficulté pour l’homme. Nul être en effet n’offre une semblable diversité. Le Malais, le Caire, l’Esquimau, le Slave, présentent des différences considérables. Leur origine se perd dans les temps préhistoriques. Des croisemens multipliés ont modifié les races primitives, dites pures, au point qu’il n’y aurait plus de races pures qu’au Groenland, s’il faut en croire le savant professeur d’anthropologie du Museum, M. de Quatrefages. En outre, des préjugés aussi respectables que surannés, ne nous font pas envisager sans un certain effroi cette similitude de l’homme avec l’animal. Nous sommes tellement supérieurs que nous exagérons notre supériorité. N’a-t-on pas osé proposer l’existence d’un règne humain à côté du règne animal, comme il y a un règne minéral et un règne végétal, sans comprendre cette profonde parole de Pascal : « l’homme n’est ni ange ni bête, et le malheur est que qui veut faire l’ange fait la bête. »

C’est Buffon qui a le premier parlé des races humaines, mais Buffon était plus observateur que classificateur, et les connaissances géologiques de cette époque étaient manifestement insuffisantes. Quelques années plus tard, Blumenbach écrivit sur les variations du genre humain une thèse demeurée classique. Camper, Prichard, Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, Lamarck, D’Orbigny, firent des observations importantes, mais la science de l’homme n’était pas fondée, et l’on ne pensait pas à réunir en un faisceau toutes les notions éparses.

En 1839, un homme éminent, qui fut à la fois savant physiologiste et économiste distingué, William-Frédéric Edwards, entreprit de créer une société ethnologique analogue à celle qui s’était instituée à Londres un an auparavant ; mais l’ethnologie n’est qu’une branche de l’anthropologie, elle étudie les mœurs, les lois, les habitudes d’une race, elle n’étudie pas les variations de cette race selon les époques et les contrées. La véritable origine de l’anthropologie date de 1859, quand M. Paul Broca créa et organisa une Société d’anthropologie. Depuis cette époque, la société a prospéré. Il s’en est établi de semblables dans toutes les capitales de l’Europe, il paraît même qu’il en existe une à Tiflis. Les travaux publiés par les membres de ces sociétés, soit insérés dans leurs bulletins, soit imprimés dans des revues périodiques, constituaient pour la « science de l’homme » un ensemble de matériaux diffus et mal ordonnés, que M. Topinard a essayé tout récemment de classer dans un livre didactique et élémentaire.

Il ne faut pas se dissimuler que, par la nature même de son sujet,