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réponses de nos hommes d’état qui permettent à tout esprit droit de porter sur ces affaires un jugement équitable. Puisqu’il tient à citer M. Bulwer, que ne cite-t-il aussi M. Thiers et M. Guizot ?

Il est certain en effet qu’au moment même où avaient lieu à Londres, entre lord Palmerston et M. Van de Weyer, les curieux entretiens que nous venons de signaler, des conversations non moins singulières avaient lieu à Paris entre le général Sébastiani et un autre représentant du patriotisme belge. C’était au mois de janvier 1831. Le gouvernement provisoire de Belgique, cherchant un roi qui pût plaire à l’Europe, avait envoyé à Paris un de ses membres, M. Alexandre Gendebien. M. Gendebien était passionnément dévoué aux idées françaises. Admis dès son arrivée à Paris auprès du roi Louis-Philippe, il lui avait parlé avec chaleur de l’empressement que mettrait le congrès national à élire le duc de Nemours, et il n’avait reçu du roi que des paroles décourageantes : « Que le congrès n’exprime pas ce vœu, avait dit le roi, je ne pourrais y souscrire. » Il s’était rejeté alors sur la candidature du prince Léopold et sur le mariage de ce prince, devenu roi des Belges, avec une princesse d’Orléans. Le roi lui avait répondu : « Je connais depuis longtemps le prince Léopold de Saxe-Cobourg ; c’est un beau cavalier, un parfait gentilhomme, très instruit, très bien élevé ; la reine le connaît aussi et apprécie les avantages de sa personne. Mais… il y a un mais qui n’a rien de désobligeant pour la personne et les qualités du prince, il y a des répugnances de famille, des préjugés peut-être, qui s’opposent à l’union projetée[1]. » Repoussé ainsi dans tout ce qui faisait l’objet de sa mission, repoussé même dans le minimum de ses demandes, M. Gendebien eut le 8 janvier 1831 un entretien des plus vifs avec le général Sébastiani, ministre des affaires étrangères : « En fin de compte, disait l’envoyé belge au ministre français, qu’est-ce donc que vous nous conseillez ? Le prince Othon de Bavière, le prince de Naples, c’est-à-dire deux enfans. Deux enfans pour réaliser, pour garantir au dedans et au dehors les promesses de notre révolution ! Il n’y a que deux candidatures sérieuses, celle du duc de Nemours et celle du prince de Saxe-Cobourg-Gotha. Vous les repoussez toutes les deux quand il s’agit pour nous de vie ou de mort. Que faire ? Dans le péril où vous nous jetez, il ne nous reste plus qu’une ressource : aller à Londres proposer le prince Léopold avec alliance française. Si le roi Louis-Philippe persiste à nous refuser sa fille, eh bien !

  1. Voyez le curieux écrit de M. Alexandre Gendebien intitulé : Révélations historiques sur la révolution de 1830. Nous empruntons cette citation au savant ouvrage de M. Théodore Juste : les Fondateurs de la monarchie belge. Léopold Ier roi des Belges, d’après des documens inédits. Bruxelles 1868.