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monnaies d’or étrangères et les lingots servant aux grandes transactions et pour les rapports des chefs de l’armée entre eux.

Le plus souvent les croisés avaient recours pour relever leurs finances épuisées à des procédés moins chanceux et plus sûrs. Les uns, les plus aisés, prenaient en partant de véritables lettres de change d’une maison de banque ayant des succursales aux pays d’outre-mer ; les autres, plus humbles, à la solde d’un roi ou d’un seigneur, allaient à ces mêmes succursales, qui se fondèrent en Orient avec une prodigieuse rapidité aussitôt après le triomphe des chrétiens, et y prenaient l’argent qui leur était nécessaire et qu’on, leur délivrait contre reçu au nom de leur suzerain. La lettre de crédit était infiniment plus commune que la lettre de change, et les archives en contiennent de nombreuses collections toutes scellées par les suzerains, par des évêques ou des notaires.

Nous avons vu les croisés introduisant en Syrie des masses considérables de numéraire frappé en Occident. Quant aux monnaies en usage dans le Levant à l’époque de leur arrivée, elles continuèrent à y être employées par les Byzantins, leurs voisins, et les musulmans, leurs ennemis. ils y trouvèrent, circulant en immense quantité, ces monnaies byzantines dont les types sont connus de tous ceux qui ont fait le voyage d’Orient et quelque peu fréquenté les boutiques des marchands d’antiquités ou jeté un regard sur les vitrines des changeurs arméniens et juifs. La monnaie byzantine d’or était surtout abondante ; son nom grec, hyperpyron, rappelle la pourpre des empereurs dont l’effigie y figure constamment. Les croisés, les marchands francs, transformèrent le mot grec en celui d’hyperpre, que les chroniqueurs écrivent de cent façons diverses, selon l’orthographe fantaisiste de l’époque : hyperpère, hyperpre, perpre, etc. Ce mot, indiquant l’espèce monétaire la plus usitée, revient fréquemment dans les écrits contemporains ; il figure dans les actes, les contrats, les documens de tout genre qui nous ont été conservés ; mais le plus souvent la monnaie d’or des empereurs grecs prit de Byzance, où elle était frappée, le nom de besant. Le besant, c’est la pièce d’or, c’est le louis d’or de l’époque. Presque toutes les transactions dans l’étendue entière des pays du Levant se font en besans jusqu’à ce que la vogue toujours croissante du ducat ou sequin vénitien vienne à son tour détrôner cette vieille prérogative. Par extension, l’expression besant ne désigna bientôt plus seulement la pièce d’or d’origine essentiellement byzantine, elle s’appliqua à toute pièce d’or en usage dans le Levant ; il y eut le besant sarrasin, celui des rois chrétiens de Chypre, celui des rois d’Arménie. Le besant prit place sur l’écu des chevaliers et compta parmi les figures héraldiques du blason. A côté de la monnaie des empereurs grecs, les croisés trouvèrent