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Cette incroyable persistance de l’administration turque à suivre les erremens condamnés par l’Europe et flétris par elle-même, a sa source dans le caractère de l’Ottoman, dans l’horreur que lui inspire toute réforme, surtout quand elle est dictée par une influence étrangère, dans la mollesse du pouvoir central qui n’a jamais eu la force de faire exécuter en dehors d’un rayon fort restreint les ordres donnés par les vizirs. De telles raisons suffiraient à expliquer l’état des choses, mais on en pourrait invoquer deux autres qui restent supérieures, et, cette fois encore s’opposeront, mous le craignons du moins, aux nouvelles réformes concédées par l’iradé du sultan du 2 octobre et le firman du 12 décembre 1875, c’est que le système des fermages a le précieux avantage d’offrir à un gouvernement besogneux une ressource toujours prête : l’escompte des impôts à percevoir et la réalisation anticipée d’un rendement absorbé avant même qu’il soit perçu. « C’est qu’enfin, entre le trésorier nommé par la Porte, qui réside à Séraïevo pour la Bosnie et à Mostar pour l’Herzégovine, et le contribuable des deux provinces, les intermédiaires à tous les degrés sont nombreux et que chacun d’eux, fidèle à cette tradition du bakchich, invétérée dans l’empire, ne recule pas devant des gains illicites dont les sujets du sultan portent tous le poids. On pourrait remonter plus haut encore si, au lieu d’étudier la question au point de vue spécial de la Bosnie et de l’Herzégovine, on avait mission de porter un remède au mal au siège même de l’empire ; mais il sera plus utile de continuer à exposer quelle est la situation du raïa vis-à-vis de la justice, et quelle garantie lui donne la loi quand, dans une contestation avec un sujet musulman, il veut recourir aux tribunaux du pays.


III. — L’ADMINISTRATION. — LA JUSTICE. — LES TRIBUNAUX.

Le pouvoir administratif et le pouvoir judiciaire sont liés de telle sorte, que pour se rendre compte du fonctionnement de la justice dans les provinces, il faut d’abord étudier rapidement la forme de leur administration.

Le gouvernement central est représenté en Bosnie par un vali ou gouverneur-général dont la résidence est à Séraïevo ; la province toute entière se divise en six districts ou sandjaks, et la Haute et la Basse-Herzégovine forment un septième sandjak sous la dépendance du vali, qui prend le titre de gouverneur-général de la Bosnie et de l’Herzégovine. A la tête du sandjak, avec résidence dans sa capitale, est placé le mulésarif, gouverneur civil délégué et nommé par le vali, et chacune des casas ou sous-préfectures du sandjak est administrée par un caïmacan. Les casas à leur tour se divisent en nahije, communautés de villages régies par un mudir qui