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nationale de la péninsule des Balkans ; là s’arrête son industrie. Il a une supériorité sur le Grec, c’est que le jour de la fête de son saint il ne regarde pas comme un point d’honneur de dépenser dans l’ivresse ou même dans l’hospitalité donnée au voisin tout ce qu’il a pu amasser pendant l’année, et cette retenue est un résultat des admonestations de son curé, qui cependant ne lui a pas assez inculqué l’horreur des boissons fortes, qui l’abrutissent et le dégradent. On peut aussi reprocher au prêtre catholique de la Bosnie de laisser croire en lui à un pouvoir surnaturel. Cette foi indique chez le raïa de son rite une naïve crédulité qu’il faudrait détruire, et, chose singulière, celui du rite orthodoxe refuse à son pope le pouvoir magique qu’il accorde au franciscain. Regardant ce privilège comme une source légale de revenus, on voit la plupart des franciscains vendre des amulettes et des talismans contre le mauvais œil et contre les esprits infernaux. Autrefois ils écrivaient de leur propre main quelque verset des Écritures, dont ils disposaient les termes d’une façon cabalistique. Aujourd’hui ce n’est un mystère pour personne que l’impression de ces petites cartes est une des branches d’industrie de certains établissemens typographiques d’Agram et de Zara. Pliées en forme de chapeau, ces amulettes, contenues dans des sacs pendus au cou, éloignent, suivant leur rédaction, telle ou telle maladie, garantissent des accidens et correspondent enfin à la plupart des situations qui sont le propre du raïa.

Le catholique, somme toute, est moins abandonné que l’orthodoxe ; il a des répondans, des protecteurs nés ; l’évêque de Bosnie surveille le clergé et les paroisses, les franciscains cependant échappent à son action, quoique la plupart des prêtres catholiques appartiennent à cet ordre et que cet évêque lui-même, la plupart du temps, en fasse aussi partie ; mais enfin les raïas de ce rite sont surveillés et soutenus, ils ont l’appui de la Propagande de Rome, le voisinage de l’Autriche leur rapporte un constant appui de la part des sociétés catholiques du pays, des secours en argent sous toutes les formes et un contrôle exercé par des comités ; la Propagande de Lyon enfin exerce jusque-là son influence et fait sentir les bienfaits de sa sollicitude par des envois de secours et de contributions en faveur des écoles et de la construction des églises.

Quant aux orthodoxes, le métropolitain phanariote appelé à être leur chef spirituel en Bosnie et en Herzégovine par ces élections du phanar de Constantinople, si singulières dans leurs compétitions, souvent si tumultueuses et si mouvementées par les intrigues souterraines des évêques in partibus suffragans, ajoute à leur misère et à celle du pope plutôt que d’être un appui pour eux. Les redevances que leur paie chaque habitant sont hors de proportion avec