transporter dans d’autres régions, les contraindre tous à embrasser l’islamisme ou leur laisser à tous leur foi au lieu d’offrir à ceux des Slaves qui accepteraient la loi du Koran des privilèges propres à semer des germes de division et de haine entre les générations qui allaient se succéder. Ces générations ne devaient jamais oublier que les musulmans qui régnaient sur eux étaient, non pas des Turcs venus en vainqueurs, — c’est une loi qu’on subit, celle-là, — mais des frères, des Serbes vaincus comme eux, chrétiens comme eux, devenus des privilégiés au prix d’un honteux sacrilège.
Nous devons ajouter pourtant que la loi du livre sacré est formelle ; le Turc ne pouvait agir autrement qu’il l’a fait à l’époque de la conquête, car une fois l’infidèle courbé sous le genou du vainqueur, le musulman a pour premier devoir de lui proposer l’option entre l’islamisme et le servage du tribut. Cette renonciation à la religion de leurs pères fut regardée par les Serbes qui se firent musulmans et par ceux qui leur donnèrent le choix comme une mesure politique, et ce n’est pas le seul exemple qu’on en pourrait citer, mais c’est cependant là la grande erreur, et les combinaisons de la diplomatie la plus ingénieuse ne peuvent rien pour réparer les résultats de cette disposition dictée par le livre sacré. Pour de telles mesures, qui sont des crimes, et, selon le mot célèbre, plus que des crimes, des fautes politiques, il n’y a pas de prescription, elles sont déposées comme un germe empoisonné dans les constitutions qui régissent les peuples à leur début, ou celles qu’on leur impose à une période reculée de leur histoire, elles se développent avec eux et vicient le corps tout entier. De temps en temps, quand on constate le mal, on peut bien essayer de l’atténuer par des réformes, mais les crises deviennent périodiques, incessantes, et le mal est chronique. Si le peuple dont il s’agit est isolé des autres nations par sa position géographique, il s’affaisse et meurt ; mais si au contraire il confine à des nations de même race dont la constitution n’offre pas ce même vice, s’il est entré dans le concept européen, si des transactions considérables ont été nouées avec lui par ses voisins ou ses alliés, ou si enfin, reculant devant l’évidence, il aggrave la crise par des forfaits contre les représentans des grandes nations de l’Europe qui vivent à son foyer, sa chuté peut ébranler l’Europe, et les ennemis héréditaires qui convoitent ses dépouilles, au moment de se les partager, peuvent à leur tour éclater en cruelles dissensions et offrir au monde le spectacle du plus effroyable conflit.
CHARLES YRIARTE.