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« 1o Le point capital, à mon avis, c’est la prompte et complète évacuation de la Belgique par les Français. Sans cela, le maintien du ministère Grey n’est pas sûr, la paix est menacée, la constitution de l’état belge est impossible. Les Hollandais n’ont rien plus à cœur en ce moment que de voir les Français rester sur le sol de la Belgique, parce qu’ils espèrent de cette occupation prolongée un triple résultat : « 1o la chute du ministère Grey, 2o la guerre générale, 3o le partage de la Belgique.

« Nous ne pouvons pas cependant nous servir des Français comme d’un moyen d’effrayer la conférence ! Cela ne produirait rien de bon ; cette politique aigrirait les esprits contre la personne du roi et obligerait les quatre puissances à incliner de plus en plus du côté de la Hollande.

« 2o Le traité de paix entre la Hollande et la Belgique ne saurait être conclu trop promptement. Or le seul moyen d’y arriver, c’est que les Belges sachent sacrifier ce qui est de peu d’importance à ce qui est véritablement essentiel. La base de notre droit, ce sont les dix-huit articles. Nous pouvons perdre beaucoup, nous pouvons tout perdre, si nous prétendons obtenir davantage. Même dans les dix-huit articles, il ne faut vouloir conserver que ce qui est absolument indispensable à l’existence indépendante delà Belgique.

« 3o Je suis fermement convaincu que nous n’avons qu’un seul moyen de déjouer les intrigues qui s’ourdissent contre nous ici, en Belgique et en France, c’est d’obtenir immédiatement de Louis-Philippe la promesse de consentir au mariage. Par là seulement nous détruirons les intrigues qui peuvent d’ici à peu de temps nous renverser de fond en comble. La Hollande ne cessera d’inviter la France au partage de la Belgique que le jour où ce mariage sera officiellement déclaré. »


Toutes ces révélations offrent l’intérêt le plus vif. On y voit quelles difficultés s’opposaient à la fondation de la royauté belge, on y voit aussi quels sentimens contraires animaient les principaux acteurs. La rancune implacable du roi de Hollande Guillaume Ier, l’hésitation défiante du gouvernement anglais, font mieux valoir la bienveillance et la droiture de Louis-Philippe, quelles que fussent d’ailleurs les visées de M. de Talleyrand. Louis-Philippe, qui avait refusé en termes si nobles la couronne de Belgique si noblement offerte au duc de Nemours, pouvait-il être tenté un instant par l’offre odieuse du morcellement de la Belgique, inspiration d’un autre âge chez M. de Talleyrand, inspiration du ressentiment et de la haine chez le roi des Pays-Bas ? Stockmar, en dépit de sa malveillance, est obligé de reconnaître les immenses services que cette politique loyale a rendus au peuple belge. Pendant toute cette crise de 1831, il l’avoue malgré lui, la Belgique ne pouvait, compter que sur la