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composer de deux divisions, dont une cuirassée à faible tirant d’eau. Les nouveaux bâtimens de mer que nous venons d’indiquer et qu’on appelle des popofka, du nom de l’amiral qui les a imaginés, sont spécialement destinés à ce service. Deux ont été construits ; ils joignent à un très faible enfoncement sous l’eau une solidité extraordinaire. Nous en ferons la description en parlant du matériel de la marine russe. On peut juger de l’importance des fortifications de Kertch par ce fait, que les seuls terrassemens ont coûté 1,500,000 francs.

Quant à Sébastopol, le moment ne paraît pas encore venu d’en rétablir les fortifications. Le gouvernement paraît se borner à relier cette ancienne forteresse au système général des voies ferrées de l’empire. Une compagnie de chemins de fer a reçu l’autorisation de creuser, dans la baie du sud, un petit port, où viendront se grouper des marchandises à transporter dans l’intérieur. L’intérêt de cette création est purement commercial. Comme nous l’avons déjà dit, Sébastopol ne réunissait pas les élémens d’un port de guerre ; c’était un abri fortifié pour les vaisseaux. Nicolaïef y suppléera jusqu’au jour où sans susciter d’ombrage, la forteresse, ruinée par les armées alliées, pourra être relevée ou remplacée.

Les véritables arsenaux de la Russie sont non pas dans la Mer Noire, mais au nord de l’empire, sur la Neva et aux environs de Saint-Pétersbourg. A l’exemple de la Prusse, le gouvernement russe emploie l’industrie privée en concurrence avec les établissemens appartenant à l’état. Des constructeurs anglais ont fondé des ateliers sur la Neva, et leur habileté est mise à profit, non sans succès. De grands bâtimens cuirassés sont sortis de leurs mains, et comptent au nombre des meilleurs modèles. La Russie fait elle-même ses canons. Le service de l’artillerie en est chargé et considère le métal qu’elle emploie comme étant de qualité supérieure ; elle estime notamment l’acier fondu dans ses usines comme le plus dense, le plus durable et le moins sujet à explosion. On le fabrique spécialement dans les ateliers du gouvernement, à Perm et à Obouchof. Les chantiers de l’état autour de Saint-Pétersbourg donnent de l’occupation à des ouvriers dont le nombre varie, dans chacun de ces établissemens, de mille à cinq mille. Il en est un appelé Nouvelle-Hollande) sur la Neva, qui sert de dépôt d’approvisionnemens pour la flotte, tels que fers, goudron, voiles, projectiles et habillemens. Il contient une prison militaire dont le personnel est employé aux travaux de menuiserie, cordonnerie, forge, et à la confection des vêtemens. Les chantiers privés ne sont pas moins fréquentés ; un de ces établissemens occupe 3,500 ouvriers.

Tous ces travaux sont placés sous la protection de Cronstadt. Cette citadelle comprend sept ou huit forts qui croisent leurs feux et commandent un canal long, étroit et sinueux, où les bâtimens ne