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maritimes, il opta pour les navires les plus aptes à remplir cette mission. Sans se désintéresser de la navigation en haute mer, il mit à la fois en chantier onze monitors à tourelles, plus trois batteries flottantes. La guerre d’Amérique a popularisé l’espèce de bâtimens qu’on appelle monitor. Ce nom était celui du premier modèle de ce navire. C’est un bâtiment fortement cuirassé, plat sur l’eau comme un radeau, de marche médiocre, assez maniable cependant pour se risquer à la mer, surtout le long des côtes. Navire excellent pour le blocus, le bombardement, la lutte dans les rades, en face des villes et des ports. Les batteries flottantes sont plus pesantes encore, plus fortement cuirassées, plus lourdes aussi, bonnes surtout pour l’attaque des forteresses. Les monitors russes en construction devaient être pourvus chacun d’une tourelle tournante, armée de deux grosses pièces. Trois de ces bâtimens auraient par exception deux tourelles et porteraient double artillerie. On les vit figurer pour la première fois en 1867 dans l’escadre d’évolutions de la Baltique. Ils en formaient la partie principale, car on n’y trouvait en outre qu’une frégate blindée, le Pétropavlosk, trois batteries flottantes et des navires en bois. Les exercices de l’escadre avaient été calculés pour étudier les qualités de ces nouvelles constructions et pour apprendre à les manœuvrer. On savait bien que les monitors avaient puissamment contribué au bombardement de Charleston sans grande perte d’hommes, sans avaries sérieuses ; mais on se souvenait aussi que deux de ces bâtimens avaient été coulés, tandis que le Nahaut, de la même espèce, résistait au feu concentré de cent pièces d’artillerie. D’où venait cette différence ? Il fallait s’en instruire. Le vice-amiral Boutakof en reçut évidemment la recommandation quand il prit, en juillet 1867, le commandement de l’escadre d’évolutions de la Baltique, avec l’assistance des contre-amiraux Touab et Popof. Les ordres de service de ce commandant en chef ont été publiés. On y trouve un récit très mouvementé des opérations de l’escadre. L’ardeur de l’amiral s’y révèle avec une franchise, nous allions dire une naïveté de sentiment et d’expression, tout à fait attachante ; certes, si quelque chose doit manquer jamais à la marine russe, ce ne sera ni la bonne volonté ni le courage.

L’escadre étant rangée en deux lignes, les bâtimens d’échantillons différens sur la première, et sur la seconde les monitors, ordre était donné au contre-amiral, commandant la division des monitors, d’en détacher deux chaque matin, avec mission de naviguer séparément à travers l’escadre, de huit heures à onze heures du, matin, tout en faisant pendant ce-temps l’exercice du canon avec évolution de la tour. Ils devaient franchir les intervalles laissés entre les bâtimens à l’ancre, puis tourner, au plus près,