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négociations engagées avec le ministère du dernier souverain vont-elles tout simplement continuer dans les mêmes termes, dans les mêmes conditions, comme si rien ne s’était passé ? Ce gouvernement sorti d’une dévolution aura-t-il la force de se faire obéir partout, de contenir le fanatisme musulman, de pacifier les insurrections, de réaliser les réformes et d’assurer les garanties qu’on lui demande ? Autant de questions, autant d’énigmes qui au moment présent excitent une curiosité ardente et même plus que de la curiosité à Ems, où est l’empereur Alexandre, comme à Berlin et à Vienne, à Paris comme à Londres, partout où il y a une résolution à prendre. Peut-être cette crise inattendue aura-t-elle cet effet salutaire de réveiller le sentiment de la solidarité occidentale, de faire sentir plus que jamais la nécessité d’une action prudemment concertée et d’aider à tous ces rapprochemens auxquels la France travaille avec la passion sincère de la paix.

Ces événemens européens qui se dessinent aux « horizons lointains » dont parlait M. le duc Decazes, qui n’en sont peut-être qu’à leur début, suffiraient pour éclipser momentanément nos affaires intérieures ; ils devraient surtout suffire, pour faire comprendre la nécessité d’une politique simple, peu bruyante, toujours active néanmoins, propre à tenir la France unie et tranquille dans le travail de réparation qu’elle poursuit. Nos chambres qui siègent à Versailles, ou plutôt les partis qui s’agitent dans ces chambres, ont-ils toujours le sentiment net et clair de cette politique dont la France a besoin pour sa sécurité dans le présent comme pour la sauvegarde de son avenir ? On en douterait parfois à voir l’esprit de parti se démener assez puérilement, soulever tantôt des questions irritantes, tantôt des questions inutiles, ou se jeter dans des discussions sans issue.-Nos chambres, à la vérité, ont une ressource contre les tentations mauvaises : elles se réunissent le moins possible, elles mesurent leur travail avec une sage modération ; elles se donnent de fréquentes vacances pour se reposer de ce qu’elles ne font pas, en attendant les grandes vacances qui leur rendront une liberté plus entière pour se reposer de ce qu’elles n’auront pas fait. On ne peut pas dire autrement, c’est une session qui semble devoir rester assez stérile, et après tout, depuis que les chambres se sont de nouveau réunies il y a près d’un mois, à part ces vérifications de pouvoirs suivies d’éternelles et puériles invalidations qui recommencent, il n’y a eu guère que deux discussions ou incidens parlementaires d’un certain intérêt. Et d’abord on s’est décidé à en unir avec cette amnistie malheureusement trop ajournée.

Certes le bruit n’avait pas manqué ; on n’avait rien négligé pour donner à cette triste question un retentissement dangereux, une importance démesurée, et, lorsqu’on est arrivé au fait, quel a été le dénoûment ? L’amnistie a rallié 50 voix dans la chambre des députés, elle a réuni