Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/724

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’âge où l’Américaine est vieille, son caractère a plus de douceur et d’égalité ; elle possède le don incomparable du tact, l’art gracieux de la flatterie sincère ; elle sait allier à l’occasion des talens supérieurs à la simplicité, étant incapable de rien faire ni de rien dire qui la rende antipathique à l’autre sexe, car son but est toujours de plaire, et elle n’ignore pas que ce que l’homme aime le plus en elle est de ne point lui ressembler. L’odieuse femme forte américaine n’a point d’équivalent en France, C’est en France que la femme sait causer sans trancher, sans pérorer. Il arrive souvent, tant elle vous enlace par une sorte de magie dont elle a le secret, que vous soyez frappé, au bout d’une heure de conversation, de la beauté d’une femme qu’auparavant vous n’eussiez jamais songé à remarquer. Et si c’est le cas pour la dame, il faut remarquer aussi que la fille du peuple a plus de gentillesse et de goût que partout ailleurs, qu’elle sait s’assimiler avec une facilité surprenante ce qui parait être au-dessus d’elle. Le vice même est chez les Françaises moins choquant que dans le reste du monde. Elles le revêtent d’une modestie relative, appréciable pour ceux qui l’ont rencontré à Londres, par exemple.

Nous ne suivrons pas M. Rhodes dans ses excursions de célibataire le long des boulevards, dans les restaurais, les magasins, les bals publics, les ateliers de peintres, etc., bien qu’il sache effleurer une à foule de choses scabreuses avec une sobriété de touche, un entrain plein de franchise, un sang-froid goguenard, un esprit de critique parfois appliqué à lui-même, qui donne du prix aux croquis les plus frivoles. Déjà la Galaxy, l’un des meilleurs recueils américains, a publié de lui plusieurs portraits d’écrivains français contemporains, des études sur notre théâtre, des travaux variés datés de France. Nous devons à M. Rhodes d’avoir fait connaître à sa patrie sous un aspect équitable et généralement bienveillant les choses de notre pays, si souvent défigurées par la plume maladroite ou ignorants des écrivains voyageurs, qui n’ont rien vu qu’à la surface et à travers leurs préjugés nationaux.

Son œuvre est complétée pour ainsi dire par celle d’une dame de New-York, qui, pendant un quart de siècle, tint dans cette ville le sceptre de l’esprit et réunit autour d’elle une société d’élite, réduite depuis peu à pleurer sa perte. Les Home sketches in France de Mme Field datent de l’année 1867 et traitent surtout d’un sujet que M. Rhodes avait presque passé sous silence : la religion. Il s’était contenté en effet d’avertir les puritains, grands liseurs de Bible, que nous étions des païens fort aimables à qui le sentiment du beau tenait lieu de religion. Mme Field au contraire, dans tes lettres adressées de France à son mari, un ecclésiastique pourtant, fait ressortir la grandeur et la poésie du catholicisme, les services incomparables par exemple que rendent les sœurs de charité, les frères de la doctrine chrétienne. Elle est protestante et elle de proclame bien haut ; mais elle a été catholique, on le