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Grâce à cette clause, il suffit que deux états aient conclu un traité supplémentaire donnant, sur un point ou sur un autre, une extension nouvelle à la liberté des échanges entre les deux parties, pour que la mesure devienne applicable à tous les états avec lesquels les deux premiers avaient déjà contracté un traité de commerce. Chez les peuples tels que la France, qui sont sujets à l’épidémie des révolutions, les traités sont un préservatif contre les fantaisies réactionnaires des hommes subitement portés au pouvoir par le tourbillon. Qu’on se rappelle, par exemple, ce qui est arrivé chez nous après la révolution de 1870, pendant les années 1871 et 1872.

Si d’après les dispositions qui se montrent à peu près partout, on a tout lieu de regarder comme à peu près infaillible le renouvellement des traités, on ne voit pas aussi clair dans une question qui se rattache par le lien le plus direct au renouvellement même, celle de savoir dans quels termes on renouvellera. Deux opinions sont en présence. L’une, franchement proclamée, est pour que les nouveaux tarifs des douanes soient plus libéraux que ceux d’aujourd’hui. On consacrerait ainsi un progrès nouveau dans la liberté des échanges internationaux ou, ce qui est la même chose dite différemment, la liberté de commerce[1]. L’autre est celle des protectionistes, qui considèrent les traités de 1860 et années postérieures comme le maximum de libéralisme possible, des colonnes d’Hercule qu’il serait funeste de franchir. Dans cet ordre d’idées, on regarde comme des novateurs présomptueux, contre lesquels on ne saurait trop être en garde, les hommes qui conseillèrent le traité de 1860, origine et source des autres. Afin de faire échec au développement du principe qui prévalut alors et qui depuis a jeté des racines profondes, les chefs des protectionistes ont dressé des plans non dépourvus d’artifice. À laquelle des deux opinions donnera-t-on raison ?

En pareille matière, ce n’est pas nous qui contesterons à la théorie et au raisonnement le droit qui leur appartient en toute chose. Plus sont grandes les affaires qu’on traite, et plus il importe d’avoir des principes régulateurs à l’aide desquels on trace les grandes lignes et dont, par le secours d’une logique aussi correcte que possible, on déduit les conséquences légitimes. Royer-Collard exprimait une vérité profonde quand il disait que professer le dédain des théories, c’est se vanter de ne pas comprendre ce qu’on dit quand on parle, ni ce qu’on fait quand on agit ; mais à côté des idées générales et élevées qui plaisent à l’intelligence et captivent

  1. La liberté du commerce ou liberté commerciale est la locution la plus ancienne. Beaucoup de personnes y substituent aujourd’hui celle de la « liberté des échanges internationaux, » qui est plus précise. En Angleterre, plusieurs personnes disent la concurrence universelle.