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se mesure par la quantité d’objets d’une qualité convenue qui résulte de la moyenne du travail d’une personne dans cette branche d’industrie et dans cet établissement pendant un laps de temps déterminé, un jour, une semaine, une année. Dans une forge par exemple, on peut calculer très approximativement le poids du fer en barres, d’un calibre déterminé et uniforme, qui s’y ferait dans le cours d’une année, on pourrait aussi bien dire d’une semaine ou d’un jour, en admettant qu’on s’y adonnât exclusivement à cette variété. Si l’on divise ce poids par le nombre des personnes employées, on aura pour quotient la quantité de fer représentant la puissance productive du travail de l’individu dans cette usine. Si on envisage une filature de coton, l’on supposera qu’elle se consacre à la production d’un fil d’un certain numéro. La puissance productive se calculerait en divisant le nombre moyen de kilogrammes de ce fil qui s’obtiendrait dans une journée, une semaine ou une année, par le nombre des personnes occupées. Au lieu d’un établissement tout entier dans lequel on pratique beaucoup d’opérations assez dissemblables les unes des autres, dont l’ensemble constitue la fabrication de l’objet auquel l’établissement est voué, rien n’empêcherait de se livrer à des calculs du même genre pour une catégorie particulière d’ouvriers, et d’en évaluer la puissance productive dans leur spécialité ; de même pour un atelier qu’on séparerait des autres. La comptabilité en usage de nos jours dans les manufactures est tellement perfectionnée, tellement minutieuse, qu’elle en donnerait assurément le moyen dans la plupart des cas.

La puissance productive dont nous parlons ici n’est pas une notion idéale, une sorte de pouvoir virtuel que posséderait une société. Si à côté de l’aptitude des individus il y a les capitaux nécessaires pour les mettre en action, la puissance productive est un pouvoir effectif se manifestant positivement par des produits. Dans ces conditions, la richesse de la société est proportionnelle à la puissance productive des membres qui la composent. De deux nations placées à peu près dans les mêmes circonstances de climat et de culture intellectuelle, comme sont la plupart des états de l’Europe, si l’une a une puissance productive plus grande que l’autre, la première sera mieux pourvue de l’ensemble des choses qui répondent aux besoins de l’homme civilisé : il y aura par million d’habitans, ou, si l’on aime mieux, en moyenne par individu, une plus forte ration de denrées alimentaires, de vêtemens et de mobilier. Les hommes y pourront être, à leur volonté, mieux logés, mieux chauffés, mieux éclairés ; ils auront plus de livres, plus d’objets d’art, plus de tout ce qui s’achète et qui se vend pour contribuer à la commodité ou à l’agrément de la vie privée et de la vie collective, à