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l’embellissement et au perfectionnement des conditions de l’existence. C’est l’abondance de cette grande diversité des choses utiles ou agréables, et non pas l’or et l’argent, qui constitue la richesse d’une société. A part quelques usages peu nombreux et médiocrement essentiels qui leur sont propres, l’or et l’argent ne sont que des dénominateurs communs qui servent à rendre compte du cas que les hommes font de chacun des innombrables articles dont se compose la richesse. Une nation se procure tous ces articles afin de les appliquer à son bien-être et à sa satisfaction, soit en les produisant elle-même, soit en les tirant de l’étranger, par le moyen d’un échange où elle donne ce qu’elle fait en retour de ce que font les autres. Et c’est ainsi que la puissance productive de chaque société ou nation fait une seule et même chose avec sa richesse.

La puissance productive se forme et s’augmente par la connaissance que l’homme acquiert et accroît indéfiniment des secrets de la nature, et par la dextérité croissante avec laquelle il tire un bon parti de ce savoir constamment accumulé. Par la force et la pénétration de son intelligence, il connaît successivement les propriétés des différentes substances par rapport à nos besoins ainsi que les forces motrices que la nature possède ou recèle, les unes toujours manifestes, comme celle des animaux, des eaux courantes, des vents ou du feu, les autres plutôt latentes, comme la vapeur et l’électricité. En perfectionnant sans cesse proportionnellement à ses découvertes les arts qui servent à extraire, susciter ou préparer les objets qui lui sont nécessaires, l’homme exerce une puissance productive de plus en plus étendue. Dans la civilisation moderne, il augmente particulièrement cette puissance par la supériorité devenue merveilleuse avec laquelle il trouve dans son esprit les moyens de dompter, afin qu’elles travaillent pour lui, les forces naturelles de toute espèce, et de les obliger à remplir à sa place, comme des serviteurs dociles, les offices les plus divers, depuis l’effort colossal qui est réclamé dans beaucoup de cas, jusqu’à la manœuvre délicate et subtile qui convient à d’autres circonstances.

Ainsi dans l’industrie créatrice de la richesse comme dans tous les autres modes de son activité, l’homme doit sa puissance à son intelligence. Il y trouve des ressources indéfinies pour parvenir de plus en plus à l’empire du monde matériel, tandis que par sa force physique, lorsqu’il est réduit à celle-ci, et qu’il n’a d’autres instrumens que ses membres et ses muscles, il est un des animaux les plus dénués. De là une conséquence de toute gravité : de même que, d’une manière générale, le grand ressort de l’intelligence réside dans la liberté, de même pour la réussite de l’entreprise que l’homme a dû faire d’exploiter de mieux en mieux la planète, afin