faire jaillir des faits mêmes l’indication de ce qu’il convient de pratiquer présentement.
Pendant ces soixante années, les vingt premières en Angleterre et un plus long laps de temps sur le continent furent marqués, chose surprenante, par une grande faveur accordée ou maintenue aux idées protectionistes. On s’était fait la guerre, l’épée au poing, pendant vingt-cinq ans, on la continua par les tarifs, quoiqu’on eût proclamé la sainte-alliance. En Angleterre et en France, où il existait des assemblées délibérantes, des intérêts nés pendant la guerre et de la guerre, et des habitudes contractées par l’effet même de la lutte, poussaient les gouvernemens à cette sorte de continuation des hostilités, par l’intermédiaire de ces assemblées en cela fort exigeantes. L’exemple de ces deux états justement renommés entraînait à peu près tous les autres.
On n’eut pas à s’applaudir de ces allures rétrogrades ; elles provoquèrent même quelques remarquables protestations. En 1820, beaucoup de grandes maisons de la Cité de Londres signèrent en faveur de la liberté du commerce une pétition admirablement rédigée par Thomas Tooke. Lord Liverpool lui-même, le chef du cabinet, déclara dans la chambre des lords que la pétition avait son assentiment personnel ; mais l’affaire se borna d’abord à une démonstration platonique. En France, quelques hommes d’état eurent de même des aspirations libérales qu’ils ne dissimulèrent pas aux chambres, mais la tentative fut comprimée aussitôt par les intérêts protectionistes, tout-puissans dans ces grands corps. En 1824, la saine doctrine remporta en Angleterre un petit avantage. Le ministre du commerce Huskisson obtint, à grand’peine, la levée de la prohibition qui protégeait les soieries de l’Angleterre contre celles de la France. Il la remplaça par un droit qu’il fut forcé de mettre à 30 pour 100 ; c’était fort exagéré. Néanmoins l’effet du changement fut considérable. Huskisson l’a formulé ainsi : « Après cette mesure, l’industrie des soieries a fait en quelques mois plus de progrès que dans un demi-siècle auparavant. » Cet exemple n’exerça cependant pas assez d’influence sur le parlement pour qu’il se laissât aller à un ensemble de réformes significatives. On ne fut pas sans apporter au régime financier du pays des modifications avantageuses au travail et particulièrement aux classes populaires : on abolit l’impôt du sel, on fit la grande réforme postale suivant le plan de M. Rowland Hill. On révisa d’une manière heureuse et libérale le régime des banques. On vota même au sujet des céréales la loi de 1828, qui restreignait l’élévation factice des prix ; mais l’esprit protectioniste empêchait de toucher sérieusement au tarif des douanes. Le mouvement favorable à la liberté du commerce par