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prohibition, on a obtenu des effets analogues. La méthode libérale a déterminé, à côté de l’introduction des produits étrangers, un accroissement considérable de la production nationale, et les manufactures suédoises du même article ont pu exporter avec succès.


VI. — LE RPINCIPE DE L’EGALITE DEVANT LA LOI CONDAMNE LE SYSTEME PROTECTIONISTE. — LA LIBERTE DE COMMERCE VIS-A-VIS DE LA REPUBLIQUE.

En France aujourd’hui, il y a une forte raison pour insister auprès des pouvoirs de l’état afin qu’ils manifestent sans ambages leur pensée au sujet de la politique commerciale qui convient au pays dans l’occasion solennelle qu’offre le renouvellement des traités. L’intérêt public à sa plus haute puissance les sollicite de se prononcer en faveur de la liberté. Les pertes, sans exemple dans l’histoire, que nous a fait éprouver la guerre de 1870-1871 ne peuvent être réparées, les lourds impôts que nous avons à supporter par-delà ceux que nous payions avant le mois de juillet 1870 et qui déjà étaient pesans, ne peuvent être supportés qu’autant que le travail national ait un redoublement d’activité et de fécondité, puisque c’est le travail de la nation qui crée la richesse des particuliers, et par conséquent les ressources de la société et de l’état. Or, pour que le travail national arrive à son maximum de puissance productive, la liberté des échanges lui est indispensable. Nous croyons l’avoir montré par le double suffrage du raisonnement et de l’expérience.

L’intérêt public est encore engagé dans l’affaire d’une autre façon, du fait de la démocratie, qui aujourd’hui occupe le trône de France. Ce souverain nouveau, ce maître encore inexpérimenté qui se nomme le suffrage universel, a ses exigences, tantôt légitimes, tantôt abusives. Parmi les premières, qu’il importe de reconnaître ouvertement, ne fût-ce que pour écarter les secondes, se range en première ligne la volonté de parvenir graduellement à la propriété et au bien-être par le travail et l’épargne. Une organisation industrielle et commerciale, semblable à celle à laquelle l’Angleterre est arrivée en partant du principe de la liberté des échanges internationaux, est le plus efficace encouragement que puissent recevoir ces vœux ardens de la partie la plus saine, et il faut le proclamer aussi, la plus nombreuse de la démocratie moderne.

Quand on a devant soi un but si utile, si fortement approuvé de la morale et de la grande et sage politique, quand on a, de par la force même des choses, l’obligation de l’atteindre, et qu’on rencontre, comme un tas de broussailles sur son chemin, des erreurs et des bévues comme celles qui composent la doctrine protectioniste, se laisser arrêter par de pareils obstacles serait faire acte d’imprévoyance et de faiblesse.