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tarda pas non plus à disparaître ; Quant à la chaloupe du vaisseau-amiral, elle ne pouvait trouver de refuge qu’à bord de l’Edouard-Bonaventure ; vers minuit, elle essaya d’accoster ce bâtiment et vint se briser contre le bord. Tout l’équipage se noya sons les yeux de Chancelor, incapable, au milieu d’une telle tourmente, de lui porter le moindre secours. Varduus était le rendez-vous assigné par le conseil. Ce fut vers Varduus que se dirigea, dès qu’il se vit seul, le pilote-major de la flotte.

C’était aussi à ce mouillage connu que Willoughby prétendait, en ce moment, atteindre. Il avait mis le cap au nord quart nord-est pour remonter le longue la côte. La violence du vent le contraignit à faire ce que le soin de conserver l’escadre réunie eût probablement conseillé à un vieux marin d’exécuter plus tôt. Il serra toutes ses voiles et naviguant désormais « à mâts et à cordes, » se laissa dériver, le travers à la lame, sans faire aucun effort pour assurer sa route. Bientôt le jour se fit et la brume commença de se dissiper ; Willoughby promena ses regards autour de lui. La mer était déserte. Ce fut un instant de consternation, la consternation qu’éprouva le fils d’Anchise dans la mer de Sicile. Par bonheur, au bout de quelques instans, on découvrit sous le vent un, navire également en travers, ballotté à sec de voiles par la lame. La Speranza déploya sur-le-champ un coin de sa misaine et fit route vers ce compagnon retrouvé. Le navire qu’elle parvint ainsi à rejoindre était le Yacht de l’escadre, la Confidentia. Quant à l’Edouard-Bonaventure, Willoughby n’était pas destiné à en avoir en ce monde des nouvelles.

La tempête cependant finit par s’apaiser. Le 4 août, la Speranza et la Confidentia avaient repris leur route vers Varduus. Quand Willoughby eut fait 50 lieues au nord-est, il donna l’ordre de sonder. La sonde rapporta 160 brasses. D’après tous les calculs on eût dû se trouver plus près de la côte. « La terre n’était donc pas conforme à la mappemonde. » Willoughby changea de route le 6 août, et, bien résolu à rallier à tout prix Varduus, il mit cette fois le cap au sud-est quart sud ; 48 lieues de chemin au sud ne conduisirent en vue d’aucun rivage ; elles ne changèrent même pas la profondeur de l’eau. Les deux navires se retrouvèrent encore par 160 brasses. Où donc était la côte ? Le 8 août, le 9 août, le 10 août, Willoughby, ne sachant plus à quel rhumb s’arrêter, se laissa d’abord dériver avec des vents d’ouest-nord-ouest, fit ensuite 25 lieues au nord-est avec des vents de sud-sud-est ; puis 48 lieues au sud-est, quand la brise eut hâlé le nord. Enfin le 11 août, un coup de sonde donna 40 brasses ; le 14, après s’être avancé encore de 30 lieues à l’est, on reconnut la terre. Willoughby n’avait plus de chaloupe pour l’envoyer à la découverte ; il lui restait son canot. Le canot ne