Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/801

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’hériter que des vices respectifs de leurs parens et leur en refuse les vertus. Il en est ainsi de ces métis californiens. Ils s’arrogent tous les droits de l’homme blanc et appuient leurs prétentions avec toute la violence du sang indien. La terre, disent-ils, est à eux, ils sont les vrais natifs du pays, et non pas des étrangers comme leurs pères et des sauvages comme leurs mères. Que viennent faire dans leurs campagnes ces envahisseurs qui récoltent sur des terres qu’eux, métis, n’avaient pas défrichées, et qui s’emparent de cours d’eau qu’ils n’avaient pas utilisés ? Métis et Américains se rencontrent aux mêmes tavernes, aux mêmes lieux de plaisir ; les occasions de rixes ne manquent pas, et un coup de couteau est bien vite donné. Le meurtrier, poursuivi, se jette dans la montagne et se fait brigand. Dans presque tous les pays où il a prospéré, le brigandage a été à l’origine la protestation irrégulière et désespérée d’une nationalité ou d’une indépendance perdues ; ce qui se passa en Angleterre pendant les premiers siècles de la conquête normande, ce qui se passa en Italie au XVIe siècle, sous la protection des Colonna ou sous la conduite d’un Alphonse Piccolomini, se renouvelle aujourd’hui en Californie sous une forme plus démocratique. Les chefs sont porteurs de noms moins illustres ; mais, à cela près, les types de bandits californiens esquissés par M. Dixon ne le cèdent en rien à leurs frères des âges passés ou des pays de plus noble civilisation. Il y a là surtout un certain capitaine Vasquez dont la vie, brutalement romanesque, aurait été appréciée par Mérimée, qui aurait pu y trouver sans peine tous les élémens d’un récit à la façon de Carmen. Regrettant de ne pouvoir nous arrêter à cet épisode, nous nous bornerons à le recommander à ceux de nos romanciers qui seraient tentés, pour varier les plaisirs du public, de réagir contre les sujets de roman aujourd’hui en vogue, en faisant retour aux sujets qui étaient à la mode il y a trente ans.

Ce que M. Dixon nous raconte de la, vie anglo-américaine en Californie ne prouve pas précisément que le struggle for life s’arrête à ces vainqueurs des trois précédentes races. Quiconque veut connaître la vie américaine à son point culminant d’activité fébrile, et, si l’on peut ainsi parler, de laborieuse frénésie, doit aller à San-Francisco. Là, l’excès est but et l’exagération moyen. M. Dixon attribue en très grande partie à l’influence d’un climat trop chaud et d’un ciel trop lumineux ce bouillonnement de vie à outrance ; nous croirions plus volontiers qu’il en faut chercher la raison dans les commencemens de cet état. Il en est des peuples comme des individus, ils sont longtemps ce qu’ils ont été une fois, à supposer même qu’ils ne le soient pas toujours. Née dans un paroxysme de fièvre, la Californie a grandi avec la fièvre ; la fièvre est dans son sang et fait partie de sa constitution. Amené, ou plutôt