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nous dispensera de rappeler les autres, tant il résume fidèlement les généreuses inspirations du peuple belge. Je racontais l’autre jour l’histoire du président de la Grèce, le comte Jean Capodistrias, je montrais avec quel art le rusé corfiote avait ébranlé la candidature du prince Léopold au trône des Hellènes, comme il s’était joué des plénipotentiaires de Londres, comme il avait amené le prince, déjà élu roi par les puissances alliées, à refuser la couronne, même au risque de s’attirer par ce refus les colères de l’Europe. Ces scènes de haute comédie politique, on a vu à quelles tragédies elles aboutissaient. Le dernier acte du scenario, c’est le souvenir de Léopold apparaissant tout à coup au président de la Grèce, c’est le président troublé, furieux, provoquant de nouveau une tribu héroïque, et tombant sous le poignard des Mavromichalis. Quel contraste entre le président des Hellènes et celui qui était alors le premier citoyen de la nation belge ! Assurément, si quelqu’un avait pu concevoir en Belgique les ambitions royales qui séduisirent le comte Jean Capodistrias, c’était le comte Félix de Mérode. Un grand nom, une grande fortune, une situation supérieure, des souvenirs qui le rattachaient aux vieux siècles de la patrie, tout cela, dans un temps où la nationalité belge essayait de revivre, devait recommander à tous l’héritier d’une race antique.

Tout récemment encore un des savans membres de la commission royale d’histoire publiait dans les bulletins de cette compagnie cinq lettres concernant la demande que l’archiduc Ferdinand d’Autriche a faite pour son fils le prince Charles de la main de Marguerite de Mérode, fille de Jean, baron de Mérode et de Pétersheim. Ces cinq missives datent du XVIe siècle. La première est du 18 avril, la dernière du 10 juin 1577. Deux de ces lettres ont été adressées à don Juan d’Autriche par le baron de Pollviller, agent de l’archiduc Ferdinand, il faut y joindre les réponses évasives de don Juan d’Autriche. La cinquième, la plus curieuse, est écrite par don Juan d’Autriche à son frère et maître, le roi d’Espagne Philippe II. Don Juan informe le roi de la demande introduite par l’archiduc Ferdinand, et rapporte qu’on lui a conseillé de ne pas favoriser ses vues, à cause du mal fait au pays par ces alliances étrangères. Il est arrivé en effet que des princes, particulièrement le prince d’Orange, « sont venus à hériter, du chef de leurs femmes, de grands biens dans ces provinces et ont pris autorité dans les états. » On devine ce qu’était au XVIe siècle cette famille de Mérode à la fois recherchée par un archiduc d’Autriche et redoutée par Philippe II. De tels souvenirs, et il y en a bien d’autres, ne devaient-ils pas la désigner aux hommes qui désiraient fonder une dynastie nationale ?

M. le comte Félix de Mérode aurait eu pour lui le clergé, les campagnes, une bonne partie des villes. Même parmi ceux qui se