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imprégnant ses types les mieux réussis du sentiment énergique de la réalité, et l’économiste doué aussi d’un don d’observation très prononcé, habile à faire poser devant lui les différentes classes de travailleurs, et mêlant à une conviction vive de l’excellence des réformes économiques une antipathie non moins déclarée contre le charlatanisme et les utopies dangereuses.

Ce sont là les traits qui distinguent déjà le premier ouvrage d’une portée réelle que M. Louis Reybaud fit paraître ; nous voulons parler de ses études sur les réformateurs ou socialistes modernes. L’Académie française récompensait en 1841, et ses deux rapporteurs, MM. Jay et Villemain, louaient en termes très sentis cet ouvrage désigné à l’attention publique par une raison ingénieuse, une exposition exacte et piquante des théories nouvelles, et quantité d’intéressans détails sur les hommes qui s’en étaient faits les représentans. À ce moment une curiosité, qui n’a depuis lors que trop trouvé à se satisfaire, s’attachait à ces originaux de l’économie sociale, génies bizarres qui disaient parfois de frappantes vérités en prêchant le faux, et à ces essais de rénovation qu’on estimait alors plus naïvement généreux que redoutables. Le socialisme, en effet, dans sa période d’innocence, commençait à peine à se montrer révolutionnaire. La plupart de ses chefs se séparaient des républicains radicaux avec une sorte d’affectation. Formant un composé d’écoles plus prêtes à se disputer qu’à s’entendre, et non un parti, il publiait des livres, des brochures, déjà quelques journaux, attendant tout d’une propagande pacifique. Seule, l’espèce de communisme qui remontait à Babeuf, moins en vue que les théories de Saint-Simon et de Charles Fourier, entretenait de dangereuses relations avec le parti de l’action et semblait s’y confondre. Ce livre de M. Louis Reybaud, dont le succès s’est soutenu, reste encore la peinture la plus fidèle qui ait été faite de ces systèmes, et le jugement le plus net dont elles ont été l’objet sous cette forme narrative et descriptive qui rend la lecture attachante.

Sans m’attarder aux travaux économiques de M. Louis Reybaud, comme député à la chambre de 1846, et plus tard à l’assemblée législative, où il recevait la mission d’étudier en Algérie les colonies agricoles, je ne puis passer sous silence un livre qui semble faire pendant à son ouvrage sur les réformateurs contemporains, le volume sur les Économistes modernes, dont les diverses études ont également été publiées séparément ici même. On n’y trouve pas seulement des portraits exacts, tracés avec une grande sûreté de main ; chacune de ces études est pour l’auteur une occasion d’exposer ses idées sur les principaux points de l’économie politique. On y rencontré les principes qui l’ont dirigé dans son