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enquête. Les tendances d’un esprit pratique y sont fort accusées. J’y trouverais même pour mon compte un peu trop de sévérité pour les questions et les controverses abstraites, sur la valeur par exemple, qui ont marqué les débuts de la science, entraînée quelquefois à les reprendre encore. L’abus qu’on en a fait ne saurait autoriser une proscription qui n’a pas assez égard au penchant des esprits philosophiques à se rendre compte en toute science des idées fondamentales, penchant d’autant plus justifié ici qu’il s’agit bien souvent par ces définitions de fixer les limites un peu indécises de la science économique. Peut-être aurions-nous à présenter encore quelques observations critiques qui n’ôtent rien à la valeur si solide de ces excellentes études où revivent dans de vigoureuses analyses la plupart des hommes qui ont marqué avec distinction leur trace dans les théories et dans les faits économiques. J’aurais bien envie par exemple de faire à l’auteur une querelle de théoricien à propos de Frédéric Bastiat, le plus populaire de nos économistes. La critique qu’il fait de certaines de ses idées et de la manière trop peu rigoureuse dont il expose ses théories, cette critique qui se mêle à de justes éloges, est en général fondée. M. Reybaud ne traite-t-il pas pourtant d’une manière trop dédaigneuse cette formule de « l’échange des services » substituée à cette autre un peu trop étroite de « l’échange des produits. » Je ne veux pas argumenter, mais j’émets des doutes. S’il n’y a que des produits, a-t-on pu dire, il faudra donc voir dans l’ordonnance d’un médecin, la leçon d’un professeur ou la consultation d’un avocat un « produit, » à moins qu’on ne veuille, ce qui serait nier les faits et mutiler la science, les exclure de la catégorie des services rémunérables. Un disciple de Bastiat continuerait ainsi à montrer comment cette formule de l’échange des services, suspecte à M. Reybaud, embrasse non sans grandeur toute la société engagée dans les liens de l’échange, et comment elle peut acquérir ; selon les cas, la précision désirable. Il protesterait certainement contre cette affirmation trop sommaire « qu’on ne saurait imaginer sans une grande contention d’esprit, qu’une balle de café soit un service, une tonne d’huile un service. » Il ferait remarquer qu’on ne prétend pas qu’aucun de ces objets soit un service, mais qu’il contient très effectivement et représente des services humains incorporés dans sa valeur, tels que travaux, risques courus, etc. Nous ne répondons pas même que ce défenseur de Frédéric Bastiat ne serait pas capable, pour se concilier son contradicteur encore plus que pour le démentir, d’aller chercher jusque dans l’enquête, telle que l’a comprise M. Louis Reybaud, quelque argument en faveur de cette conception de l’économie politique, car l’auteur de cette enquête, non-seulement lui aussi reconnaît de vrais services dans ces