Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/916

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelquefois des obstacles positifs opposés au mariage, surtout pour des ouvriers étrangers, y contribuent fréquemment. Il s’en faut que les seules et même que les principales excitations à la débauche dans les vastes agglomérations urbaines soient celles qu’amènent les rencontres au sortir de l’atelier. Les tentations des grandes villes de luxe en sont l’agent principal. S’efforcer de rendre les ouvriers de manufacture plus moraux n’est pas moins un problème qui s’impose aux villes, à l’état, aux associations, aux manufacturiers eux-mêmes. Malheureusement M. Louis Reybaud affirme que le patronage qu’on pourrait appeler moralisateur est plutôt en décadence, sous quelques formes très attachantes qu’il avait revêtues parfois surtout en Angleterre, comme les divertissemens, les salles de lecture, de consommation, et autres attraits placés dans l’intérieur même de la manufacture. Les ouvriers, froissés dans des luttes de salaires, se sont retirés : les fabricans délaissés se sont refroidis, découragés. Que l’on ne se hâte pas de conclure que rien ne se fasse. En France, comme en Angleterre, l’école, l’instruction sous diverses formes, les institutions de prévoyance, annexées à la manufacture même, ont été souvent essayées avec succès : on ne demande qu’une chose, que les ouvriers s’y prêtent.

N’oublions pas l’ouvrier comme consommateur. Il serait injuste de le faire pour le coton. M. Louis Reybaud rappelle ce que la classe ouvrière y a gagné en hygiène, en propreté. Elle doit à ce tissu de porter des bas et des chemises, un vêtement décent qui peut être souvent renouvelé, la principale part en un mot de cette révolution du costume qu’on a appelée l’égalité visible. Si, chez l’homme, ce tissu est venu compléter la laine plus chère, vêtement des jours fériés, les femmes lui ont été plus redevables encore. Il a doté l’ouvrière, par l’indienne et d’autres variétés, d’un vêtement gai, élégant. Assurément, dans les promenades, dans les réunions du dimanche, la tenue, la dignité trouve son profit à cette mise plus convenable. C’est un des meilleurs progrès dus à la manufacture et un des plus incontestables.

L’industrie de la laine, qui forme dans l’enquête un volume à part, et qui offre une importance si exceptionnelle, puisqu’elle représente en France une création de valeurs annuelles de un milliard, ne fait que vérifier les mêmes idées générales. Je n’y signalerai que ce qui peut être indiqué sans tomber dans des redites communes à toutes nos industries textiles, et de manière à mettre en saillie, à côté du mal, les progrès accomplis et le bien en train de se faire, si les idées fausses et les instincts égares ne se mettent à la traverse. Quels admirables perfectionnemens dans l’outillage ! Quels raffinemens dans la main-d’œuvre ! Quel travail devenu constamment plus fructueux ! Combien d’inventions qui ont dessaisi la main de l’homme