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leur côté. N’avaient-ils pas quelques droits récemment à prétendre, en Angleterre, que leur journée fût trop longue, leur paie non suffisante ? Ils ont fait réduire le travail à neuf heures, au risque d’augmenter les frais de production et de renchérir la denrée, de plus en plus coûteuse, et qui, quant à la houille, le deviendra toujours plus, en raison d’un épuisement croissant, inévitable avant deux ou trois siècles peut-être. La politique ne s’est mêlée qu’exceptionnellement et dans les plus mauvais momens à ces grèves dangereuses. Les travailleurs, malgré les difficultés qui partout naissent du soin même qu’on prend de s’occuper d’eux, n’ont pas rompu dans ces industries avec le capital tout lien de reconnaissance et d’affection. Ils ont toutes sortes de raisons de s’en souvenir. En réalité on ne peut qu’admirer ce que le capital a fait pour le travail, à l’aide des sacrifices les plus considérables dans ces vastes établissemens. L’unité de direction, la pensée suivie, qui se transmet en se perfectionnant, pour fonder et améliorer les institutions favorables aux ouvriers, s’y sont manifestées par les résultats les plus bienfaisans pour les valides et les non valides. Cette organisation est ce qu’il y a en ce genre de plus achevé jusqu’à présent. L’expérience a dû passer par des tâtonnemens nécessaires ; le bien a eu ses étapes : ce n’est pas immédiatement qu’on parvient à arrêter, dans cet art encore nouveau, les bases de la répartition du travail, de la rémunération proportionnée aux services, la mesure dans laquelle on peut supprimer les peines disciplinaires, les moyens d’épargne et des secours combinés avec l’aide de l’administration. Il n’est pas facile de trouver le moyen terme, où, sans attenter à la liberté, on agit sur les ouvriers efficacement, il n’est pas facile de faire comprendre aux travailleurs, par l’expérience de leur faiblesse et de leurs entraînemens, qu’il peut être dans leur intérêt d’accepter certaines précautions qui les préserveront de leurs propres écarts. En ce genre les pensions de retraite sont une de ces nouveautés industrielles qui assurent à l’ouvrier libre les mêmes avantages qu’à l’employé ou fonctionnaire, à celui qui dans l’usine remplit le rôle d’agent administratif. Tous les moyens d’organisation que nous avons indiqués dans les autres sortes de production manufacturière par l’instruction, l’assistance, l’épargne, se retrouvent là fort en grand, quelquefois joints encore aux combinaisons ingénieuses et fécondes qui rendent le bon ouvrier propriétaire d’une maison.

Il semble qu’on n’ait qu’à continuer dans cette voie excellente pour réaliser les progrès les plus satisfaisans. Telle est du moins la conclusion générale que nous serions disposé pour notre compte à tirer de cette enquête, si bien menée par un économiste qui est aussi un moraliste clairvoyant. Il serait à souhaiter qu’on n’eût qu’à