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de ces événemens qui fussent de nature à imprimer un plus vif élan aux entreprises lointaines. La guerre existait alors entre l’Espagne et la France. L’Angleterre craignait, non sans raison, d’y être malgré elle engagée, ou d’avoir tout au moins à prêter à l’Espagne l’appui de ses finances. Quand on vit au contraire le parlement refuser à Philippe le droit de porter la couronne, lui dénier obstinément le titre d’héritier présomptif, rejeter en outre toutes les demandes de subsides que lui soumit la reine, l’opinion publique reprit insensiblement confiance, et la Compagnie des lieux inconnus trouva plus de facilités à faire un second appel de fonds.

Au mois d’avril 1555, une charte royale constitua définitivement l’association. Les intéressés devaient élire vingt-huit conseillers qui choisiraient eux-mêmes quatre consuls. Quant à Sébastien Cabot, il avait été le premier instigateur du voyage ; le roi Philippe et la reine Marie voulurent qu’il fût aussi le premier gouverneur de la compagnie. La jouissance de cet office lui fut assurée, sa vie durant, « sans qu’on pût, sous aucun prétexte, l’en priver. » L’Edouard-Bonaventure ne fut pas seulement mis en état de reprendre la mer, on lui adjoignit un autre navire, le Philippe-et-Marie. Deux agens, Richard Gray et George Killingworth, s’embarquèrent avec Richard Chancelor, grand-pilote de la flotte, sur le premier de ces bâtimens. L’Édouard-Bonaventure devait seul pénétrer au fond de la Mer-Blanche ; le Philippe-et-Marie n’irait pas plus loin que Varduus. On espérait pouvoir lui procurer dans ce port même, entrepôt de la Laponie danoise, un complet chargement. La compagnie d’ailleurs ne se résignait pas à considérer dès ce jour la Speranza et la Confidentia comme irrévocablement perdus. Elle prescrivait à ses agens de ne rien négliger pour en retrouver les traces. Si l’on apprenait qu’un de ces bâtimens fût parvenu à gagner un mouillage qui se pût atteindre soit par terre, soit par mer, il faudrait sur le champ diriger de ce côté des secours. Sir Hugh Willoughby et ses compagnons n’avaient-ils pas le droit, quel qu’eût été leur sort, de compter sur la sollicitude de la compagnie ? Un des marchands, John Brooke, fixerait sa résidence à Varduus ; John Buckland, le maître de l’Edouard-Bonaventure, John Howlet et John Robins, le maître et le pilote du Philippe-et-Marie, aviseraient aux moyens de venir en aide à la Speranza et à la Confidentia ; Richard Gray et George Killingworth se rendraient, sous la conduite de Richard Chancelor, à la cour du tsar pour lui présenter la réponse que leurs majestés le roi et la reine d’Angleterre, à défaut d’Édouard VI, faisaient aux ouvertures apportées de Moscou. Datée du palais de Westminster, cette réponse fut écrite en grec, en polonais et en italien.