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SCENES
DE LA
VIE MILITAIRE EN ITIALIE

La Vita mililare, Bozzetti di Edmondo de Amicis, Firanze 1876.


I

On dit généralement beaucoup de bien de l’armée italienne. Ce qui la recommande à la sympathie des esprits sérieux, ce ne sont pas des batailles gagnées : il est rare que les triomphateurs inspirent beaucoup d’affection ; c’est bien plutôt le devoir pacifique et civil qu’elle n’a cessé de remplir. Maintenant que le péril est passé, il n’y a plus d’imprudence à le reconnaître : l’Italie a traversé de mauvais momens. Elle a grandi trop vite, et l’on sait que les brusques croissances donnent des maladies de langueur. L’unité nationale, précipitée par la force des choses, a produit en plus d’un endroit l’effet d’une révolution ou d’une invasion. Après les premiers transports d’enthousiasme, on vit surgir quantité d’intérêts lésés, d’espérances déçues ; les partis vaincus revinrent à la charge, les émeutiers déconfits se mirent en fureur. Ceux qui avaient perdu, au change et ceux qui n’y avaient rien gagné poussèrent à la révolte ; les mains vides, firent le poing, les prêtres soulevèrent les femmes, les marguilliers sonnèrent le tocsin, réveillant les haines de clocher ; les bourbonniens dispersés se rallièrent en bandes de voleurs : ceux qui commandaient de Turin ne savaient où donner de la tête. Dans presque toutes les provinces, depuis des siècles, le mot de gouvernement était devenu le synonyme d’oppression et de