Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/195

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il put ainsi conserver la sympathie et même l’appui des municipalités, que sans cette circonstance il aurait eu sans doute à combattre. La majorité parlementaire qui lui avait refusé des armes plus efficaces, put en faire l’expérience à son tour lorsque le 24 mai l’amena aux affaires. L’épreuve dura six mois. Le 28 novembre, M. de Broglie, ministre de l’intérieur, déposait un projet de loi rendant au gouvernement la nomination des maires dans toutes les communes, avec faculté de les prendre même en dehors du conseil municipal : en même temps, dans les villes chefs-lieux de département ou d’arrondissement, les attributions de police étaient enlevées aux maires et données aux préfets et aux sous-préfets. L’école décentralisatrice, qui avait voté de bonne foi en 1871 les libertés municipales, reconnaissait son erreur en 1874 et détruisait son œuvre de ses propres mains.

La loi du 14 avril 1871, comme celle du 20 janvier 1874, s’étaient intitulées elles-mêmes lois provisoires, lois de circonstance. Toutes deux avaient renvoyé la solution définitive du problème à la loi municipale organique. Cette loi, que l’assemblée nationale, à cause de ses divisions, n’a pu donner au pays, la nouvelle chambre des députés l’a réclamée impérieusement. Le ministère s’est exécuté. Il vient de soumettre au parlement un projet en 92 articles, qui est, sauf quelques atténuations, un retour à la loi de 1871. Aux termes du projet de loi, les conseils municipaux nomment les maires et adjoints, sauf dans les villes chefs-lieux de département, d’arrondissement et de canton, où c’est le gouvernement qui les choisit dans le sein du conseil municipal. On remarquera, dans l’exposé des motifs, le ton mélancolique et peu enthousiaste avec lequel le ministre parle de ce chapitre important de son projet : « En proposant cette disposition, le gouvernement ne se dissimule pas qu’il fait une concession très grave, qu’il abandonne une des prérogatives les plus énergiquement revendiquées par tous les gouvernement qui l’ont précédé, avec le concours et par la bouche des hommes les plus libéraux. Il sait que le jour où cette règle, qui n’a encore reçu que deux applications transitoires, à des intervalles éloignés, sera inscrite dans une loi édictée à titre définitif, un pas énorme sera fait. Il sait que, si le maire est au plus haut degré l’homme de la commune, il doit être aussi l’homme du gouvernement, et que, dans l’état de notre législation, son concours énergique et son entier dévouaient sont indispensables à la marche régulière des affaires publiques ; mais il compte sur le patriotisme éclairé des conseils municipaux pour désigner les hommes les plus aptes à remplir dignement ce double rôle. Ils sont mieux placés que personne pour faire de bons choix, s’ils s’inspirent de la gravité du nouveau devoir qui leur incombe. Ils ne sauraient se