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donnera sa forme définitive à son projet en plâtre, il s’appliquera sans doute à corriger ce défaut. Rien ne peut remplacer une tête en sculpture, et nous en voulons à M. Marquet de Vasselot des inutiles efforts que nous avons faits pour apercevoir le visage de son Christ au tombeau, en bronze et marbre noir. Nous avons admiré ses bras et ses jambes, et nous ne doutons pas que l’artiste n’ait réussi à donner une belle tête à ce beau corps.

Quoi qu’en dise le critique allemand, il est faux qu’il y ait deux Frances. Si l’on considère les chefs de file qui donnent le ton à la jeunesse, nous verrons que, sculpture et peinture, les deux arts ont aujourd’hui les mêmes tendances et les mêmes visées. L’esprit régnant est une sorte de naturisme plus ou moins génial, qui ne manque ni de fierté ni d’élégance, mais qui hait la rhétorique et n’admet pas que le style soit obtenu aux dépens du caractère. Une attention extrême à se renseigner sur le vif, à serrer le texte de près sans trop l’amplifier, à chercher avant tout le naturel et l’expression et à trouver la grandeur dans l’intensité du sentiment, voilà ce que représentent plus d’un peintre que nous avons nommé et des statuaires tels que MM. Dubois, Chapu et Mercié. Il en est de l’art aujourd’hui comme des études historiques. Nous ne goûtons plus les Vertot, les rhétoriciens, les arrangeurs et l’érudition de seconde main ; nous exigeons de l’homme qui nous raconte le moyen âge ou la renaissance qu’il compulse avec soin les pièces originales ; s’il exploite en artiste ses matériaux, s’il sait conter avec agrément, nous lui en tiendrons compte ; mais s’il n’a pas fait son école des chartes, s’il n’est pas paléographe, s’il n’a pas fouillé dans les archives, nous avons peine à le prendre au sérieux et son livre nous intéresse moins que la publication d’une correspondance ou d’une chronique inédite. De nos peintres aussi comme de nos sculpteurs nous exigeons avant tout l’étude des documens ; nous préférons aux amplifications les mieux réussies telle œuvre incomplète et d’un style un peu maigre où nous retrouvons l’accent de la vie et ce je ne sais quoi qui nous fait dire : « Comme c’est bien cela ! »

Un très jeune sculpteur, un débutant, M. de La Vingtrie, a exposé cette année une statue de Charmeur infiniment intéressante, qui montre bien à quoi vise la nouvelle école. M. de La Vingtrie a fait son école des chartes sous l’habile direction de M. Guillaume, et jamais statue ne témoigna plus que la sienne d’une étude attentive des documens. Un charmeur jouant de la double flûte et occupé d’apprivoiser un serpent enroulé autour de son instrument est sans contredit un sujet rebattu, que le jeune artiste ne s’est pas piqué de renouveler ; il a même donné à son personnage une tête médiocrement expressive, qui manque d’action ; mais les jambes, les bras,