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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 juin 1876.

L’Europe a beau désirer la paix, une fatalité ironique semble tromper ses vœux et raviver partout le sentiment de l’incertitude des choses, en montrant aujourd’hui comme au temps d’Oxenstiern le peu de sagesse qui gouverne le monde. Depuis plus d’un an, tous les peuples du continent, au milieu de leurs laborieuses affaires intérieures, sont incessamment attirés et détournés par cette crise orientale, dont ils sentent la gravité croissante, qu’ils voient se dérouler, se compliquer jour par jour de négociations vaines, de révolutions, de scènes sanglantes, pour arriver à quoi ? Peut-être à un de ces conflits inévitables qui échappent à toutes les directions, que les passions nationales et religieuses de races ennemies déchaînent et qui rouvrent la carrière à l’imprévu.

Voilà plus d’une année en effet qu’a éclaté cette insurrection de l’Herzégovine, qui a été comme le réveil de l’éternelle et redoutable question d’Orient. Elle aurait pu sans doute être apaisée à l’origine ; elle ne s’est développée, elle n’a pris des proportions si sérieuses que parce qu’elle s’est trouvée en face d’un pouvoir en décadence qui n’a su ni la réduire par la force ni la désarmer par des concessions opportunes. Le plus grand succès de l’insurrection a été de durer, de laisser ainsi à tous les élémens incandescens des provinces turques le temps de s’enflammer, en provoquant du même coup la diplomatie européenne à s’interposer entre un gouvernement impuissant et les populations poussées au combat. L’insurrection herzégovinienne a certes réussi jusque-là : elle a mis en mouvement tout le monde chrétien et slave de la péninsule des Balkans, elle a trouvé des forces, des facilités de ravitaillement, des sympathies naturelles dans la Serbie et le Monténégro, toujours prêts à faire cause commune avec elle, et l’Europe s’est émue à son tour. Les trois empires du nord ont cherché dans ces complications orientales l’occasion d’une délibération séparée, et l’intervention a com-