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les gens des communes, qu’on faisait souvent semondre pour l’appel du ban et de l’arrière-ban, se fatiguaient de ces convocations réitérées qui les arrachaient à leur commerce, entravaient leur industrie, suspendaient les travaux les plus urgens et tarissaient ainsi leurs ressources. Ils préféraient encore l’acquittement de quelques nouvelles tailles à ce service assujettissant, et d’autre part nos rois, ayant pour faire la guerre grand besoin d’argent, consentirent à ce rachat et le favorisaient même. L’appel du ban et de l’arrière-ban devint ainsi une simple occasion d’exiger des taxes nouvelles, d’imposer le vote de subsides. Les roturiers n’étant plus forcément appelés, puisqu’ils pouvaient s’affranchir moyennant finance, on se donna de la sorte la faculté de recourir plus fréquemment à des levées en masse qui se résolvaient en accroissement des charges pécuniaires. Les nobles revendiquèrent de plus en plus pour eux le service militaire, moins à titre de vassaux qu’en qualité d’hommes d’armes, se louant volontairement, et si des roturiers s’enrôlaient à leur suite, c’était sous leurs ordres, à leur incitation, pour partager avec eux les profits du métier des armes, non par un effet d’une obligation que leur imposait le caractère d’hôte ou de tenancier.

Il se produisit donc alors un fait inverse de celui auquel nous assistions avant 1870. Ce n’étaient pas les classes aisées qui échappaient au service militaire à prix d’argent, le rejetant presque tout entier sur les classes pauvres ; la noblesse était au contraire jalouse du droit de paraître à l’armée : elle ne laissait pas volontiers les vilains porter les armes. Aussi affectait-elle pour ces hommes auxquels on refusait l’épée et l’écu un profond mépris, et ce sentiment était justifié à ses yeux par l’inexpérience que montrèrent plus d’une fois les milices communales, mal exercées à ces combats et à cette vie guerrière auxquels le gentilhomme s’était habitué dès sa jeunesse. Les nobles détestaient d’autant plus les gens des communes dont on appelait le secours, qu’ils nourrissaient à leur égard plus de défiance. Philippe le Long avait armé les bourgeois des villes pour les opposer aux seigneurs alors en lutte avec la royauté. La milice constituait dans bien des communes une sorte de garde civique que les magistrats municipaux pouvaient convoquer et dont ils prenaient le commandement. Chaque bourgeois était tenu, de se rendre à leur appel sous peine de forfaiture. Quelques-unes de ces gardes nationales se battaient fort bien, et les occasions ne leur manquaient pas de prouver leur bravoure, car les communes avaient le droit de défense, et ce droit dégénérait souvent en un véritable droit de guerre. Quand un seigneur étranger causait quelque dommage à la commune et se refusait à la sommation qui lui était faite de le réparer, le maire ou le magistrat qui remplissait des fonctions