Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 16.djvu/285

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Palmerston éclatait en philippiques véhémentes contre la condescendance anglaise. Il ne faisait pas seulement son métier d’opposition systématique, il était sincèrement convaincu qu’il faut toujours montrer les dents, menacer, gronder. « Ce n’est pas telle ou telle concession qui peut avoir une importance nationale, c’est l’habitude de faire des concessions, c’est la croyance en votre facilité à en faire qui est fatale à l’intérêt, à la tranquillité, à l’honneur d’un pays. » Il écrit ailleurs : « Ne lâchez jamais une tête d’épingle que vous ayez le droit de garder et que vous croyez pouvoir garder, et même si vous croyez qu’à la dernière extrémité vous ne pouvez la conserver, faites autant de difficultés que vous pourrez avant de l’abandonner, et laissez croire que peut-être vous ferez la guerre plutôt que de la lâcher. »

En 1843, Palmerston fit un voyage sur le continent.. On est étonné de le voir à cette époque sans cesse préoccupé d’une guerre avec la France. Il se plaint d’elle à tout le monde. Il ne croyait pas à l’entente cordiale. M. Guizot ne lui convenait pas plus que M. Thiers, a Guizot, écrivait-il en 1845 à son frère William, nous aime aussi peu dans son cœur que tout autre Français, et il est poussé par l’opposition à exprimer des sentimens hostiles, plus souvent et plus fortement que ne le serait un autre. »

Au moment même où l’œuvre de Peel était accomplie, ce grand homme d’état, qui avait l’âme haute, humaine et généreuse, tombait du pouvoir : les tories avaient suivi malgré eux le chef qu’ils s’étaient donné, et le jour même où les lords votaient enfin l’abolition de la loi sur les céréales, l’administration de Peel se trouvait en minorité sur une question relative à l’Irlande. Les whigs se voyaient de nouveau portés au pouvoir, et tout naturellement Palmerston était désigné pour le portefeuille des affaires étrangères. Son attitude vis-à-vis de la France avait été pendant les années précédentes marquée par une insolence si agressive, qu’il crut nécessaire, pendant les vacances de la chambre des communes et pendant que la nouvelle administration se constituait, de faire un voyage à Paris pour montrer qu’il savait sourire aussi bien qu’aboyer. On promena « ce terrible lord Palmerston » de salon en salon, de dîner en dîner ; il vit M. Guizot chez Mme de Lieven, M. Thiers chez lady Sandwich. Le roi l’invita aux Tuileries. Palmerston rencontra M. de Montalembert, qui l’avait furieusement attaqué, lui tendit la main le premier et lui parla avec cette bonne humeur qui ne coûte guère à un homme du monde et qui lui sert d’armure naturelle. Il eut, on le voit, bien peu de chose à faire pour se rendre possible. Lord John Russell forma le cabinet dans lequel lord Palmerston reprit le foreign office pour la troisième fois. Il n’y a peut-être dans toute la correspondance diplomatique