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de la reine convenaient à l’Angleterre, sauf un fils de France. Lord Palmerston, qui remplaça lord Aberdeen, partageait au fond les sentimens du représentant anglais à Madrid. Il écrivait bien à sir H. Bulwer, le 16 août 1846 : « Nous n’avons qu’une objection à faire : c’est au mariage d’un prince français avec une princesse espagnole sur le trône ou héritière du trône, et je vous prie d’avertir Christine, Rianzarès et Isturitz que nous considérerions un tel mariage comme une mesure d’hostilité contingente contre l’Angleterre, de la part de l’Espagne et de la part de la France, et que nous serions obligés de modifier en conséquence nos rapports avec ces deux pays. » Peu de temps après, il exprime mieux sa vraie pensée : « Mon cher Bulwer, je me range à l’opinion que vous avez eu raison tout le temps, et que c’est nous qui avons eu tort dans cette affaire du mariage espagnol. Nous aurions du tout de suite et bravement adopter Cobourg et le faire triompher en bravant la France ; mais nous n’étions pas disposés à rompre avec la France au moment où nous prenions le pouvoir, et nous ne croyions pas que le mariage fût un intérêt anglais assez fort pour justifier cette rupture. »

Voilà qui est bien clair : lord Palmerston, quand il succéda à lord Aberdeen, désirait en réalité le trône d’Espagne pour Cobourg ; plus tard il se rabattit sur le double mariage de la reine avec un infant, de l’infante avec Cobourg. Le roi Louis-Philippe avait toujours dit qu’il fallait ne marier d’abord que la reine et attendre pour l’infante : c’est la diplomatie anglaise qui inventa le double mariage ; si la France adopta cette solution pour son propre compte, elle ne fit pas autre chose que ce que l’Angleterre se préparait à faire.

C’est au mois de juillet 1846 que la solution du double mariage devint imminente ; la France se vit alors entièrement dégagée, et M. Guizot se contenta de changer dans la solution anglaise un nom par un autre. Lord Palmerston n’avait pas apporté dans ses négociations la bonne foi et la modération d’idées de lord Aberdeen, son prédécesseur. A peine arrivé aux affaires, il avait envoyé à Bulwer une dépêche où il dénonçait dans les termes les plus violens le parti modéré espagnol, et plaçait le prince Léopold au premier rang des candidats a la main de la reine ; il avait fait passer cette dépêche sous les yeux du gouvernement français. Il envoyait en même temps à Bulwer une dépêche secrète, dont la France ne devait pas avoir connaissance ; il lui disait de ne pas insister tout d’abord pour Cobourg, mais d’appuyer le duc de Séville alors exilé. Il voulait alarmer Louis-Philippe et lui faire pour d’un prince qui se donnait comme le chef de l’opposition espagnole. Il fit écrire dans le même sens à Isturitz par lord Clarendon. Il travailla à réconcilier la reine Christine avec les progressistes. « Si Cobourg épouse la reine, don Henri (le duc de Séville) pourrait épouser l’infante, ou vice-versa, »