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et les agens du fisc cherchèrent à obtenir le plus possible. Déjà en 1304 pareil fait s’était passé lors de la campagne contre les Flamands, et le roi avait dû défendre aux baillis de recevoir le prix du service militaire. Avec les erremens qui avaient prévalu, nobles comme roturiers pouvaient se racheter, et souvent pour aller servir là où ils trouvaient le plus de profit ; afin de pouvoir se mettre aux gages de quelque chef de bande, ils payaient un remplaçant ou finançaient avec les gens du roi.

La guerre ne tarda pas à se rallumer entre Edouard III et Philippe de Valois, et les hostilités devaient se prolonger selon toute apparence. Le roi d’Angleterre ne pouvait songer à tenir indéfiniment tout son peuple sous les armes. Il ne pouvait user des levées en masse qu’avec ménagement. Pour obvier à cette difficulté, il recourut à l’emploi de corps de volontaires, de routiers ou, comme l’on disait, de compagnies. On s’en était déjà servi plusieurs fois sur le continent, mais Edouard les employa sur une bien plus grande échelle. De cette façon, il attira à son parti une foule d’aventuriers de toute nation que tentait l’appât du butin, car il s’agissait d’envahir un pays riche où il y aurait beaucoup à prendre. Les Gascons, qui étaient habitués à la domination anglaise, fournirent à ces compagnies de nombreuses recrues, mais leurs chefs étaient ordinairement Anglais. Grâce à ceux-ci, les compagnies de l’armée anglaise reçurent des habitudes de discipline et une régularité d’organisation qui n’existaient point auparavant dans les corps de partisans.

La guerre qu’entreprit à cette époque Edouard III ne fut d’ailleurs dans le principe que ce que nous appellerions aujourd’hui une guerre d’intervention ; elle pouvait se faire plus aisément à l’aide de ces compagnies commandées par des condottieri, puisqu’il ne s’agissait que de porter du secours à un prince qui réclamait son héritage. Je veux parler de la succession du duché de Bretagne, qui donna lieu à un démêlé une année après la trêve conclue entre Edouard III et Philippe de Valois. On sait que Jean, comte de Montfort, disputait la province à Charles de Blois, neveu du rot de France et époux de Jeanne de Penthièvre, à laquelle le feu duc Jean III, son oncle, avait légué le duché. Le comte de Montfort avait contre lui Philippe de Valois, mais il comptait dans la Bretagne, surtout dans cette partie de l’Armorique qu’on appelle Bretagne bretonnante, de nombreux partisans. Le roi de France ne voulant point le reconnaître pour héritier de Jean III, Jean de Monffort alla faire hommage du duché dont il revendiquait la possession à Edouard III, toujours paré du titre de roi de France. Philippe, de son côté, fit ajourner Jean de Montfort à son parlement, qui adjugea la Bretagne au comte de Blois. Edouard avait trouvé ce